Deeyah Khan

2023 Mention d’honneur

Norvège / États-Unis

L’histoire de Deeyah

Dans une petite chambre de motel, la réalisatrice Deeyah Khan est assise devant Jeff Schoep, sa caméra en marche. Il est le chef de la plus grande organisation néonazie d’Amérique. Elle est une femme musulmane qui a été confrontée au racisme et à la misogynie toute sa vie, et pourtant, c’est elle qui a pris l’initiative de cette rencontre. Il a accepté de lui parler, mais seulement une heure. Mme Khan et M. Schoep ont finalement discuté pendant cinq heures. À un moment donné, elle lui montre une photo d’elle, alors qu’elle avait six ans, lors d’un rassemblement anti-extrémiste avec son père en Norvège. « Les personnes qui représentent ce que vous représentez ont fait en sorte qu’une enfant de six ans se sente détestée », dit-elle. « Comment vous sentez-vous face à cela? » Pendant un moment, M. Schoep ne parle pas. Il finit par dire : « Mal à l’aise ». Deux ans plus tard, il quitte le mouvement, attribuant à Mme Khan le mérite d’avoir changé sa vie et sa vision du monde. 

Cette scène, tirée du film réalisé par Mme Khan en 2017, White Right: Meeting the Enemy, est l’une des nombreuses conversations difficiles auxquelles Mme Khan s’est livrée dans sa recherche de solutions à la haine et à l’extrémisme. Depuis plus de dix ans, elle réalise des documentaires qui remettent en question les stéréotypes et favorisent la compréhension au-delà des plus grands clivages idéologiques, religieux et raciaux. Elle a reçu de nombreux prix, dont deux Emmy et un BAFTA. 

Avec la montée de la désinformation et des théories du complot en ligne, de nombreuses sociétés connaissent une polarisation, une fragmentation et une ascension du populisme qui sont renforcées par les chambres d’écho en ligne. Il est essentiel de trouver des moyens de dépasser ces clivages et d’exprimer un désaccord respectueux tout en étant capables de travailler ensemble pour résoudre les problèmes. Lorsque nous échouons à le faire, le pluralisme s’effondre violemment. 

Par le biais de sept documentaires et de Fuuse, une société de production qu’elle a fondée en 2010, Mme Khan s’est penchée sur de nombreuses menaces inquiétantes pour le pluralisme. Elle a facilité des dialogues avec des djihadistes, des membres de milices armées, des terroristes américains, des suprémacistes blancs, des militants contre l’avortement et des auteurs de violence conjugale et même des meurtriers. Outre son immense courage, son approche consiste à écouter avec une curiosité et une empathie inébranlables afin de déceler l’humanité derrière les discours haineux et de trouver un terrain d’entente.  

Dans un contexte d’extrémisme et de radicalisation, Mme Khan propose des solutions innovantes pour vivre ensemble pacifiquement. Ses films ont transformé d’innombrables personnes, qu’il s’agisse d’individus comme Jeff Schoep ou des dizaines de millions de personnes qui ont vu ses films à travers le monde. En s’efforçant d’entendre et de comprendre toutes les voix, y compris celles avec lesquelles elle n’est pas d’accord, Mme Khan démontre le pouvoir de la compassion et d’un dialogue respectueux pour surmonter les préjugés.

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