Hand Talk

L’histoire de Hand Talk

Dans une salle d’urgence d’un hôpital de la province nordique d’Alagoas, au Brésil, le docteur Davi Freitas tentait de communiquer avec une fille de 13 ans qui était fort agitée. Personne, incluant la mère de la fille, ne comprenait ce qui se passait, car la fille était malentendante. Soudainement, le Dr Freitas s’est souvenu qu’il pouvait faire appel à Hugo.

Hugo est l’interprète virtuel de Hand Talk, une entreprise sociale brésilienne qui crée de la technologie pour offrir une traduction automatique de la langue parlée en Libras, la langue des signes brésilienne. Avec l’aide d’Hugo, le Dr Freitas a pu comprendre que la jeune fille souffrait d’un terrible mal de tête, lequel s’est avéré un signe précurseur d’hémorragie intracrânienne pour laquelle elle a été immédiatement soignée.

Hugo se retrouve partout au Brésil, des salles d’urgence des hôpitaux, aux classes et aux bars. Avec ses mains délibérément trop grandes et ses expressions faciales complexes et soigneusement conçues, Hugo est un interprète de la langue des signes qu’on peut apporter partout.

Il y a plus de 360 millions de personnes malentendantes dans le monde, dont 10 millions sont au Brésil. Souvent, ces dernières ont de la difficulté à apprendre à lire et à écrire étant donné que ces apprentissages reposent sur la phonétique. Au Brésil, plus de 70 % des personnes malentendantes ont de la difficulté à communiquer dans leur langue maternelle. Fondée en 2012, Hand Talk aide les personnes malentendantes à surmonter les obstacles de communications qui nuisent à leur éducation, à leur inclusion et à leur indépendance.

Hand Talk a reçu huit prix internationaux et régionaux, dont un prix des Nations Unies pour la « meilleure application au monde ». Déjà, plus d’un million de personnes ont téléchargé l’application et Hugo effectue environ six millions de traductions par mois. Comme l’a découvert le Dr Freitas, l’application a le potentiel de sauver des vies en situation d’urgence. Toutefois, l’application a surtout la capacité d’améliorer des vies en aidant les personnes malentendantes à participer activement à la société.

BeAnotherLab

L’histoire de BeAnotherLab

Tout le monde connaît le vieil adage « On ne peut juger personne avant d’avoir marché un mille dans ses souliers ». Mais comment peut-on le faire exactement?

BeAnotherLab a une réponse à cela. Groupe multinational qui possède un siège social en Espagne et des filiales dans dix pays, BeAnotherLab regroupe des artistes, des scientifiques, des chercheurs, des anthropologues et des praticiens dont l’objectif est de contribuer à la diminution des préjugés implicites et de promouvoir l’empathie. Pour ce faire, ils se servent de la technologie de la réalité virtuelle pour créer une expérience de « personnification » qui donne l’illusion d’être dans le corps d’une autre personne et de voir le monde à travers ses yeux.

Leur projet Machine to Be Another a été appliqué dans les domaines des arts, de la résolution de conflit, de la recherche scientifique, des enjeux sociaux, des soins de la santé et de l’éducation dans divers espaces publics et dans plus de 20 pays. Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies de 2015, les délégués ont pu se voir dans le corps de Nicole Goodwin, une poétesse américaine et vétérane de la guerre d’Iraq, tout en l’écoutant parler du tort que la guerre a causé dans sa vie. Avec l’aide du casque Oculus Rift, des caméras intégrées pour un point de vue subjectif et des mouvements synchronisés, les participants ont même pu changer de sexe. D’autres ont expérimenté la réalité du point de vue d’une personne ayant un handicap physique; de la mère d’un jeune homme noir tué par les policiers; ou d’un réfugié soudanais détenu dans le camp de Holot en Israël. Après cette expérience, les participants se rencontrent pour discuter de ce qu’ils ont vécu et partager leurs histoires.

La priorité actuelle de BeAnotherLab s’appelle Library of Ourselves, un projet à long terme qui aide les participants à mieux se comprendre en comprenant les autres. Travaillant dans des établissements culturels et pédagogiques aux quatre coins du monde, BeAnotherLab offre l’environnement immersif de sa technologie de la réalité virtuelle pour créer du contenu qu’il appelle « un conte incarné ». Le projet Library of Ourselves s’adresse à différents auditoires et a pour but de créer des rencontres entre les communautés en conflit.

Dans un monde où nous sommes souvent divisés par nos différences, BeAnotherLab veut mettre l’accent sur nos expériences humaines communes. Comme l’a dit Philip Bertrand, cofondateur de BeAnotherLab, « Plus que des individus, nous faisons partie d’un vaste système appelé l’humanité. »

Soliya

« Soliya est à l’avant-garde de son domaine – utilisant la technologie pour créer un pont entre les différences pour relier les jeunes et les engager. C’est l’histoire d’un jeune succès qui accroît déjà l’empathie et la compréhension chez ses participants et qui aide une nouvelle génération de leaders à entrer dans le monde en ayant une expérience personnelle directe des valeurs du pluralisme et en étant engagés et aptes à faire face à ses plus grands défis. »

Joe Clark, ancien premier ministre du Canada et président du jury du Prix.

L’histoire de Soliya

Avant l’apparition de Facebook, Twitter et Instagram, deux fondateurs visionnaires ont su reconnaître à quel point le dialogue entretenu dans la sphère numérique pouvait changer le monde – pour toujours.

Soliya, un organisme à but non lucratif 501(c)3 établi à New York, aux États-Unis, a été lancé en 2003 par Lucas Welch et Liza Chambers en réponse à la méfiance croissante au sein de la population après le 11 septembre. Soliya a été à l’avant-garde d’un domaine maintenant appelé l’échange virtuel, rassemblant des jeunes de cultures et continents différents dans des dialogues synchrones en ligne qui inculquent les compétences nécessaires pour développer une pensée critique, faire preuve de curiosité et diriger avec empathie.

Aujourd’hui dirigé par l’administratrice générale Waidehi Gokhale, Soliya utilise l’Exchange Portal, une plateforme de vidéoconférence personnalisée, à travers laquelle son équipe internationale réunit plus de 5 000 jeunes adultes chaque année sous forme de petits groupes diversifiés dans le cadre du programme Connect. Abordant des événements actuels en compagnie d’animateurs formés, les participants des États-Unis, du Canada, de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud et du Sud-Est apprennent que l’identité des personnes est multidimensionnelle. En racontant et en écoutant les histoires d’autres personnes, ils acquièrent une meilleure compréhension d’autrui et renforcent leur empathie.

En dotant les individus de la capacité d’entrer en contact avec la différence, Soliya aide les prochains agents de changement à avoir les difficiles conversations nécessaires pour briser les cycles des préjugés. Les programmes de Soliya aident les participants à éliminer les notions négatives de « l’autre » et à s’épanouir dans la société du 21e siècle. À ce jour, Soliya a travaillé avec plus de 220 établissements d’enseignement supérieur et centres d’apprentissage dans plus de 30 pays et 29 des États des États-Unis en incluant des programmes crédités dans le cadre de cours existants dans de nombreuses disciplines. Cette empreinte continue de croître avec de nouveaux partenariats. L’impact de Soliya a été prouvé par la mesure et l’évaluation de données recueillies en association avec le Saxelab Social Cognitive Neuroscience Laboratory du Massachusetts Institute of Technology; l’Annenberg School of Communication de l’Université de Pennsylvanie; l’Oxford Centre for the Study of Intergroup Conflict de l’Université d’Oxford; et l’University College de Londres.

Près de deux décennies après ses débuts, Soliya s’avère plus pertinent que jamais, alors qu’il aplanit les divisions et bâtit de solides sociétés pluralistes.

La recherche démontre que l’expérience interculturelle vécue durant les années formatrices d’un individu peut mener à des relations empreintes de coopération et de compassion. Toutefois, l’accessibilité est souvent un enjeu. Dans le monde, de nombreux jeunes vivent dans des communautés homogènes et, en raison d’obstacles socioéconomiques, institutionnels, géographiques ou personnels, ont de rares occasions d’entrer en contact avec différents points de vue ou identités. Un échange interculturel significatif peut drastiquement changer les perceptions de la différence.

India Love Project

L’histoire de India Love Project

En quelques centaines de mots, Aamir Fahim raconte une grande histoire d’amour. Il décrit l’époque grisante où il a fait connaissance avec son épouse, Arsheen Kaur, dans une classe à l’université : « Notre amitié est devenue si intéressante que le soleil semblait se coucher plus tôt chaque jour, et chaque nuit paraissait être aussi longue qu’une semaine ». Il décrit les difficultés auxquelles ils ont été confrontés en tant que couple interconfessionnel issu de familles sikhe et musulmane. « Aux yeux du monde, s’aimer était un crime. » Il affirme qu’ils ont passé des mois à convaincre leur famille et leurs amis de se montrer favorables à leur relation. En 2017, ils se sont mariés en vertu de la loi spéciale sur le mariage, un cadre laïque qui permet à des personnes d’origines différentes de se marier. 

L’histoire d’Aamir et d’Arsheen est l’une des centaines d’histoires qui figurent sur le compte Instagram India Love Project. Lancé en 2020 par trois journalistes, India Love Project est une réponse au conservatisme croissant, à la polarisation religieuse et à l’intolérance à l’égard des unions intercastes, interconfessionnelles et LGBTQ+. L’organisation remet en question l’exclusion en partageant des histoires positives d’amour et de mariage en dehors des frontières traditionnelles de la foi, de la caste, de l’appartenance ethnique et du genre. 

Les relations non traditionnelles font souvent l’objet d’une forte opposition en Inde, où plus de 90 % des mariages sont arrangés, seulement 5 % environ sont intercastes et 2 % environ sont interconfessionnels. Les relations entre personnes de même sexe n’ont été dépénalisées qu’en 2018, et le mariage entre partenaires de même sexe reste illégal. Si les mariages intercastes sont en hausse, ils sont encore mal vus. Depuis quelques années, les mariages interconfessionnels sont criminalisés dans plusieurs États par des lois s’opposant à la conversion, qui reposent sur les accusations des nationalistes hindous selon lesquelles les hommes musulmans épousent des femmes hindoues dans le seul but de les convertir. Cette conspiration s’inscrit dans le cadre de la montée de la rhétorique intolérante en Inde.  

India Love Project exploite le pouvoir des médias sociaux pour promouvoir l’acceptation et le dialogue. Ce compte Instagram partage des histoires d’amour réelles pour contrer les récits diabolisant les unions non traditionnelles. L’initiative a reçu une grande vague de soutien. En ligne, et de plus en plus hors ligne, India Love Project crée des espaces sûrs pour que les couples puissent célébrer leur amour et trouver une communauté. Pour les soutenir davantage, l’organisation a commencé à mettre les couples en contact avec des avocats et des conseillers bénévoles, car les couples interconfessionnels se heurtent souvent à des résistances devant les tribunaux locaux.  

Dans un climat d’intolérance croissante et de rhétorique haineuse, India Love Project répond par l’amour. Une histoire à la fois, l’organisation affirme que l’amour prend de nombreuses formes et que toutes les relations amoureuses méritent d’être célébrées. Comme l’écrit Arsheen en réponse au message de son mari, aimer peut être l’acte le plus simple qui soit, mais aussi le plus courageux. « À tous ceux qui s’aiment, écrit-elle, continuez de vous aimer! » 

Build Up

L’histoire de Build Up

Imaginez qu’une organisation de consolidation de la paix en Jordanie veuille comprendre comment la polarisation autour de la religion et de la tradition se manifeste sur les médias sociaux dans son pays. Les normes religieuses et traditionnelles influencent-elles la manière dont les gens s’expriment? Quels sont les termes utilisés et par qui? Pour trouver des réponses, l’organisation se tourne vers Phoenix, un outil d’analyse des médias sociaux en libre accès créé par l’organisation à but non lucratif Build Up. 

Phoenix recueille des données provenant d’une centaine de pages Facebook et de comptes Twitter. Il organise les données, les rend anonymes, les classe et les étiquette de différentes façons. Par exemple, qui est à l’origine de la publication? Un chef religieux? Un influenceur sur les médias sociaux? Une organisation gouvernementale? Phoenix classe ensuite les données dans des graphiques en fonction de l’engagement, du sentiment et du réseau. Cela permet de repérer des tendances. Grâce à Phoenix, l’organisation jordanienne de consolidation de la paix a désormais une meilleure compréhension des conversations sur les médias sociaux concernant la religion et les traditions et, surtout, des possibilités d’intervention.  

Phoenix est l’un des nombreux outils créés par Build Up, un réseau mondial d’innovateurs qui utilisent la technologie au service de la paix. 

La polarisation est l’un des problèmes les plus urgents dans le monde, et l’espace numérique en est un élément clé. Les médias sociaux peuvent alimenter l’animosité entre les groupes politiques. Les algorithmes favorisent les contenus clivants qui attisent les émotions et stimulent l’engagement. Si l’on ajoute à cela la désinformation et le microciblage, c’est-à-dire la personnalisation en fonction des données, on obtient des réalités virtuelles différentes pour chaque individu. Il est donc beaucoup plus difficile pour les différents groupes de trouver un terrain d’entente. 

Build Up se concentre sur les interventions de consolidation de la paix axées sur la lutte contre les discours haineux et la polarisation en exploitant les technologies pour favoriser le dialogue inclusif et la cohésion sociale. Elle s’associe à des organisations du monde entier pour concevoir et mettre en œuvre des solutions technologiques innovantes aux conflits. Le travail de Build Up est vaste, allant de l’aide apportée à une commission électorale dans la région somalienne pour créer un robot WhatsApp afin d’offrir une formation à l’électorat dans les communautés éloignées, au soutien apporté aux organisations locales de consolidation de la paix pour amplifier les voix des jeunes et des groupes ethniques et religieux marginalisés. D’autres exemples incluent des jeux en ligne qui remettent en question les stéréotypes chez les jeunes Syriens, un robot conversationnel qui lutte contre la désinformation en ligne au Myanmar, et des consultations numériques avec des femmes au Yémen pour comprendre les dimensions sexospécifiques de la guerre. 

Si les technologies numériques peuvent constituer une menace pour le pluralisme, Build Up a montré qu’une utilisation innovante de ces mêmes technologies peut créer d’innombrables possibilités en matière de relation, de collaboration et d’inclusion dans le monde entier.