Southern Africa Litigation Centre
L’histoire de Southern Africa Litigation Centre
Dans une salle de conférence bondée à Johannesburg, le Southern Africa Litigation Centre (SALC) a réuni des parlementaires de toute la région pour établir des normes pour la réforme juridique relative aux prisons. Il est évident que la plupart des individus présents semblent peu au fait des réalités vécues par les personnes détenues dans des établissements surpeuplés, où certaines sont incarcérées simplement parce qu’elles vivent dans la pauvreté et qu’elles ont eu recours à la mendicité ou au travail du sexe. En écoutant le témoignage d’un ancien détenu, plusieurs ont compris qu’un simple revers de fortune aurait pu les conduire à une situation semblable. Dès lors, la nécessité de décriminaliser la pauvreté et d’améliorer les conditions de détention s’est imposée à plusieurs.
Le SALC œuvre à la promotion des droits de la personne et de la primauté du droit en Afrique du Sud, principalement en menant des litiges stratégiques et des activités de renforcement des capacités auprès des avocats et des organisations communautaires. L’organisation a porté plus de 100 causes devant les tribunaux, contribuant à l’abrogation de lois discriminatoires au Malawi, au Botswana, au Zimbabwe, en Eswatini et dans d’autres pays de la région. Établi en Afrique du Sud et actif dans douze pays, le SALC veille à ce que les droits de la personne et la primauté du droit soient respectés, protégés, promus et pleinement réalisés.
L’engagement auprès des communautés marginalisées est essentiel. Ces populations peinent souvent à se faire entendre et à faire valoir leurs droits. Les tribunaux peuvent jouer un rôle déterminant pour faire évoluer les normes, car on ne peut protéger les droits de manière durable sans changements législatifs. Toutefois, les réformes juridiques ne suffisent pas si elles sont dissociées de la réalité vécue sur le terrain. L’importance du message transmis ainsi que du suivi ne doit pas être sous-estimée. C’est pourquoi le SALC mobilise et rassemble des individus et des groupes, renforce les capacités à l’échelle locale et mise sur le soutien communautaire pour favoriser la mise en place de changements durables.
Le SALC crée aussi des occasions pour que des juges et des représentants de l’État, même lorsqu’ils sont en désaccord, puissent entendre directement les personnes les plus touchées par la discrimination et l’exclusion juridiques dans le cadre de leurs délibérations visant à créer des normes pour la région. Cet engagement profond découle d’une conviction bien ancrée au sein du SALC : écouter directement les personnes concernées est l’un des leviers les plus puissants pour faire évoluer les mentalités.
New Life Trust Organization
L’histoire de New Life Trust Organization
Autour d’une table, des femmes manipulent avec soin de petits morceaux de métal et des pierres précieuses. Certaines échangent des idées sur de nouveaux modèles, en comparant les traditions de différentes régions d’Afghanistan et les atouts de diverses méthodes. Dans un contexte d’instabilité politique, économique, sociale et humanitaire, les possibilités pour les femmes de travailler et de gagner leur vie se sont fortement réduites. Pour plusieurs d’entre elles, leur engagement auprès de la New Life Trust Organization (NLTO) leur redonne un sentiment d’utilité et leur offre la possibilité de subvenir aux besoins de leur famille, tout en favorisant la création de liens et d’amitiés avec des femmes de différentes régions du pays.
La NLTO compte parmi les rares organisations de ce type à pouvoir mener efficacement ses activités en Afghanistan. Consciente des réalités sociales et politiques, elle soutient des femmes de différentes régions en leur offrant la possibilité d’exercer un travail valorisant dans la fabrication artisanale de bijoux. Cette démarche améliore non seulement leurs perspectives sociales et économiques, mais aussi celles de leurs enfants et de leurs familles, tout en favorisant la création de liens d’amitié au-delà des différences ethniques.
Fondée en 2023, la NLTO favorise l’autonomie des femmes grâce au développement des compétences, à l’entrepreneuriat et à l’expression artistique. Elle offre des formations professionnelles en orfèvrerie, en taille de pierres précieuses et en joaillerie, en plus d’aider les participantes à acquérir des compétences en gestion d’entreprise, en anglais et en informatique. Les formations et le mentorat se déroulent dans des ateliers, et un service de garde est mis à leur disposition.
Dans un pays qui compte quatorze groupes ethniques, les divisions tribales sont difficiles à dépasser. La NLTO y parvient en accueillant dans ses programmes des femmes de différentes communautés ethniques, dont les Pachtounes, les Ouzbeks, les Turkmènes, les Sayeds, les Hazaras et les Tadjiks. Elle inclut aussi des femmes en situation de handicap. Depuis 2023, l’organisation a aidé les participantes à tisser des liens solides entre elles, et plus de 60 % des femmes sont maintenant actives sur les marchés locaux ou dirigent leur propre entreprise. Grâce à son modèle d’entreprise sociale, la NLTO collabore avec des partenaires commerciaux internationaux pour organiser des expositions et faciliter l’accès aux marchés.
Fabriqués selon des techniques traditionnelles à partir de ressources locales comme le lapis-lazuli, ces bijoux contribuent à préserver la culture afghane, tant à l’échelle locale qu’internationale. En donnant aux femmes la possibilité de participer à l’économie, la NLTO les aide à devenir entrepreneures et leaders communautaires, et à retrouver l’espoir et l’autonomie dont elles ont tant besoin.
Mais Diferenças
L’histoire de Mais Diferenças
« Nous ne renforçons pas les compétences du personnel enseignant en matière d’inclusion uniquement pour les enfants en situation de handicap », explique Zirlene Ferreira, coordonnatrice pédagogique chez Mais Diferenças (Plus de diversité). « Nous le faisons aussi pour tous les autres enfants, afin qu’ils grandissent sans préjugés et soient prêts à accueillir chaque individu comme une personne à part entière. »
Zirlene fait référence au projet Play, mené par Mais Diferenças en partenariat avec le Département municipal de l’éducation de São Paulo. Ce projet vise à intégrer des pratiques pédagogiques inclusives dans l’éducation de la petite enfance. Son objectif est d’éliminer les facteurs d’exclusion dès les premières années en utilisant le jeu comme outil d’interaction entre enfants aux capacités diverses. Depuis l’adoption de lois obligeant les écoles brésiliennes à accueillir les élèves en situation de handicap, plus de 17 000 enseignants de São Paulo ont été formés à l’approche Play, et près de 400 000 élèves ont pu bénéficier de son volet inclusif.
Mais Diferenças est une organisation de la société civile qui défend les droits des personnes en situation de handicap. En mettant en relation des personnes ayant des expériences de handicap variées, plutôt que de se centrer sur une seule réalité, l’organisation stimule l’apprentissage mutuel et nourrit la solidarité. Dans le domaine de l’éducation, elle conçoit des ressources accessibles qui soutiennent les réseaux pédagogiques et les écoles afin de garantir des chances égales pour tous.
Le volet culturel de l’organisation comprend la production de livres en plusieurs formats accessibles. Les concepteurs y intègrent un langage simple, des descriptions d’images, la langue des signes brésilienne et d’autres outils afin de démocratiser l’accès à la lecture et d’en faire découvrir les plaisirs à des milliers de nouveaux lecteurs. Mais Diferenças a aussi participé à l’élaboration de lois visant à élargir les droits en matière d’éducation, notamment ceux des élèves en situation de handicap.
Par ses activités de plaidoyer, Mais Diferenças contribue à influencer les politiques publiques et la législation en faveur des droits des personnes en situation de handicap, afin de leur permettre de participer pleinement à la société. L’organisation prend part à des forums et à des conseils de défense des droits, et collabore étroitement avec les administrations publiques ainsi qu’avec des responsables politiques pour bâtir une société plus inclusive. Elle a notamment joué un rôle dans l’intégration de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées dans la Constitution brésilienne. Depuis sa création en 2005, Mais Diferenças a mené plus de 200 projets dans les domaines de l’éducation et de la culture inclusives et a rendu accessibles plus de 4 000 produits, publications et ressources.
Les nombreuses collaborations de Mais Diferenças ouvrent un espace de rencontre entre des personnes aux capacités variées. En réduisant les barrières sociales, l’organisation offre à un nombre croissant de personnes la possibilité de participer pleinement à la vie sociale, culturelle et économique, et de contribuer à une société plus inclusive.
Colombia Diversa
L’histoire de Colombia Diversa
Derrière des portes closes, des membres de la communauté afro-colombienne LGBTQI+ rencontrent des chefs religieux. L’ambiance est tendue. La Colombie est souvent citée comme l’un des pays d’Amérique latine disposant du cadre juridique le plus avancé en matière de droits des personnes LGBTQI+. Malheureusement, ces protections sont encore rarement appliquées sur le terrain. L’Église, qui occupe une place centrale dans la vie de nombreux Colombiens, n’a pas toujours été un espace accueillant pour les personnes LGBTQI+.
Cette rencontre s’inscrit dans une série d’échanges organisée par l’initiative Les ponts de la paix de Colombia Diversa. L’objectif : créer des espaces sûrs où des membres de la communauté LGBTQI+ et des leaders chrétiens de différentes confessions peuvent dialoguer et trouver un terrain d’entente. L’initiative a amené certains pasteurs à accueillir, parfois pour la première fois, des congrégations marginalisées. Pour d’autres chefs religieux, elle s’appuie sur leur opposition à la violence envers les communautés LGBTQI+ comme point de départ vers une plus grande inclusion, y compris l’acceptation du mariage homosexuel.
Colombia Diversa, la plus grande organisation en son genre en Colombie, considère la reconnaissance de notre humanité commune comme la première étape vers une meilleure compréhension. L’organisation considère que la démocratie se renforce à travers la diversité, et que le pluralisme encourage à dépasser la simple tolérance pour avancer vers une inclusion véritable. Depuis 2004, Colombia Diversa mène des travaux de recherche et de plaidoyer, et engage des recours juridiques pour défendre les droits des personnes LGBTQI+. Elle a contribué à des avancées judiciaires majeures, notamment à la décision historique d’inclure les victimes LGBTQI+ dans l’accord de paix colombien de 2016. Cette décision a permis de faire entendre les témoignages de survivants LGBTQI+ devant la Juridiction spéciale pour la paix, le mécanisme de justice transitionnelle chargé d’enquêter sur les responsables du conflit armé et de la juger.
Colombia Diversa utilise les partenariats comme moyen de renforcer la participation des groupes marginalisés au système juridique. L’organisation s’appuie sur des alliances solides avec des coalitions comme l’Alliance GPAZ (Groupe de travail sur le genre dans la paix), qui plaide pour l’intégration d’une perspective de genre dans les processus de paix, et la Coalition pour la résolution 1325, qui fait avancer le programme Femmes, paix et sécurité en Colombie.
À l’échelle régionale, Colombia Diversa a dirigé la mise sur pied du Réseau des plaideurs LGBT des Amériques, qui vise à renforcer la coopération entre les communautés pour la défense des droits de la personne. Sur la scène internationale, l’organisation a pris la parole devant le Conseil de sécurité des Nations Unies pour exposer les effets du conflit armé sur les personnes LGBTQI+. Il s’agissait de la toute première séance d’information du conseil axée sur les réalités vécues par les personnes LGBTQI+ en contexte de conflit.
Pour Colombia Diversa, ce n’était qu’une étape de plus vers son objectif ultime : une Colombie pluraliste, où la diversité est reconnue, valorisée et protégée, et où chacun peut vivre librement, de façon authentique, à l’abri de la discrimination et de la persécution.
Artistic Freedom Initiative
L’histoire de Artistic Freedom Initiative
« Les avocats ne sont habituellement pas les personnes les plus empathiques, mais avec l’AFI, c’était vraiment différent », raconte Margarita Kuleva, artiste interdisciplinaire originaire de Russie. « J’ai rencontré des avocats qui s’intéressaient sincèrement à mon travail. » Après avoir pris publiquement position contre la guerre en Ukraine, Margarita a dû quitter la Russie. Elle vit aujourd’hui dans la région de New York, où elle poursuit sa pratique artistique et enseigne à NYU, au sein des facultés Arts & Science et Steinhardt.
Elle fait partie de milliers d’artistes issus de plus de 60 pays et de plus de 40 disciplines soutenus par l’Artistic Freedom Initiative (AFI). Depuis sa création en 2017, l’AFI a offert bénévolement une aide juridique à plus de 4 000 artistes menacés et à leurs proches.
La mission de l’AFI est de promouvoir l’expression artistique comme pilier fondamental de la démocratie, et la liberté artistique comme un moyen essentiel pour que les artistes puissent continuer à influencer, célébrer et préserver les récits culturels des groupes marginalisés et réduits au silence. Bien que plusieurs organisations défendent les droits de la personne et la liberté d’expression, l’AFI se distingue en offrant un ensemble complet de services juridiques et de soutien en immigration et en réinstallation pour les artistes exposés à la persécution ou à la censure. Elle produit également des analyses approfondies visant à renforcer les mécanismes de protection des droits et formule des recommandations politiques concrètes pour appuyer les initiatives de plaidoyer.
L’AFI contribue aussi à faire rayonner le travail d’artistes en exil. Par exemple, son programme d’art public Artists for Social Change organise des festivals et des événements qui permettent aux artistes de dénoncer le racisme, la xénophobie et le patriarcat. Ce programme travaille en partenariat avec les volets d’aide juridique et de relocalisation de l’organisation pour favoriser la collaboration entre les artistes et des partenaires culturels établis aux États-Unis et en Europe.
Son équipe responsable de la politique mondiale et du plaidoyer s’appuie sur les données recueillies dans le cadre des dossiers traités. Elle publie des rapports nationaux sur les droits de la personne qui examinent comment les mécanismes juridiques, le contrôle du financement et les nominations idéologiques sont utilisés pour empêcher les artistes de contribuer à la vie culturelle de leur pays. Les campagnes de plaidoyer de l’AFI présentent des recommandations politiques concrètes aux gouvernements nationaux et aux organismes internationaux, comme les Nations Unies, afin de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des artistes dans leur pays d’origine.
À une époque où exprimer des opinions divergentes devient de plus en plus risqué dans de nombreuses régions du monde, l’AFI défend avec force le rôle essentiel de l’art et des artistes pour protéger le droit universel à la liberté d’expression créative.
Daniel Webb
L’histoire de Daniel
En mars 2014, Daniel Webb a visité le centre de détention extraterritorial de l’Australie situé sur l’île Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée. En traversant les salles bondées remplies de gardes, il a eu l’impression d’être dans une prison. Une des pièces comptait plus de 100 lits superposés placés si près les uns des autres qu’il était presque impossible de se faufiler entre ceux-ci. De plus, quelques jours auparavant, Reza Barati, 24 ans, avait été assassiné par un employé du camp durant une manifestation.
Les personnes que Daniel a rencontrées sur l’île Manus s’étaient rendues en Australie par bateau pour demander l’asile. Toutefois, avant de toucher terre, elles ont été interceptées et détenues dans des centres extraterritoriaux établis presque un an plus tôt par le premier ministre australien de l’époque, Kevin Rudd. En juillet 2013, Rudd a annoncé qu’aucun chercheur d’asile arrivé par bateau ne serait indéfiniment détenu sur l’île Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et à Nauru. Les conditions de ces centres de détention sont inhumaines et on y rapporte de nombreux cas de violence, d’agression sexuelle, de négligence médicale, de suicide, d’automutilation et plus encore.
Les personnes que Daniel a rencontrées sur l’île Manus étaient inspirantes. Il savait qu’elles pourraient grandement contribuer à la société australienne si on leur en donnait l’occasion. Il a même rencontré un homme qui parlait sept langues, dont deux qu’il avait apprises en détention. Un autre homme qui ne parlait pas un mot d’anglais lorsqu’il est arrivé au centre a maintenant écrit une autobiographie de plus de 1 000 pages en anglais. Daniel a notamment rencontré des musiciens, des joueurs de soccer, des défenseurs des droits des femmes et des commerçants. Surtout, toutes ces personnes étaient des êtres humains qui méritaient dignité et respect.
Avocat de formation, Daniel a reçu le Prix de l’Institut de droit de Victoria en 2010 pour son travail dans les domaines des droits de la personne et de la justice sociale. En 2014, il s’est joint au Human Rights Law Centre (HRLC), une organisation qui défend les droits des autochtones, les droits des LGBTI et d’autres causes liées au pluralisme. Lorsque Daniel s’est joint à HRLC, il ne s’était pas encore attaqué à l’enjeu des réfugiés. Il a donc persuadé le conseil d’administration de créer un programme pour défendre les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, un programme dont il assume maintenant la direction.
Pour s’attaquer à la question des centres de détention extraterritoriaux en Australie, Daniel a conçu une approche novatrice qui combine l’action légale, la sensibilisation dans les médias, les campagnes de sensibilisation du public et l’engagement des Nations Unies. Le travail de Daniel a contribué à tenir le gouvernement australien pour responsable de violation du droit international. Toutefois, il ne s’est pas arrêté là. Daniel a compris le besoin de changer la perception du public à l’égard des demandeurs d’asile. Les Australiens devaient comprendre que les gens détenus dans des centres extraterritoriaux n’étaient pas des menaces, mais des êtres humains ayant chacun leur propre histoire, des talents et une famille. En 2016, il a coordonné la campagne #LetThemStay, qui a touché le cœur et l’esprit des Australiens, mobilisant des enseignants, des chefs religieux, des médecins et des syndicats. Les gens ont manifesté, écrit des lettres et participé à des pétitions en ligne et à des campagnes téléphoniques. Les sondages ont démontré une hausse de 17 % en faveur de laisser les clients de Daniel rester en Australie.
Daniel et ses collègues avocats ont empêché la déportation de plus de 300 personnes, incluant 40 bébés et 50 enfants, sur les îles de Nauru et de Manus, et ont accéléré la libération de plus de 230 personnes détenues, incluant des familles avec enfants. Toutefois, plusieurs de ces personnes courent toujours le risque d’être déportées et Daniel poursuit son combat pour les protéger.
Daniel a démontré que les personnes vivant dans les centres de détention extraterritoriaux ne sont pas des menaces à la société, mais des occasions perdues pour l’Australie. Comme il l’a expliqué : « Lorsque nous les enfermons indéfiniment, non seulement les privons-nous de leurs droits les plus fondamentaux, mais nous nous privons également de tout ce qu’ils ont à offrir à nos communautés. »
Leyner Palacios Asprilla
L’histoire de Leyner
Le Chocó est un des départements les plus précaires de la Colombie. Situé au nord-ouest du pays, il est habité principalement par des Afro-Colombiens et des Amérindiens Emberá, lesquels font partie des communautés les plus marginalisées et exclues du pays. L’isolement de la région et le manque de soutien gouvernemental expliquent les décennies de violence et d’exploitation perpétrées par la guérilla et les forces paramilitaires. Les communautés du Chocó ont vu plus de 15 000 morts en 52 ans de conflit interne en Colombie.
La municipalité de Bojayá, dans le Chocó, a subi une violence constante de la part des deux côtés. Au printemps 2002, les citoyens de Bojayá se sont retrouvés pris au milieu d’une lutte entre le groupe paramilitaire des Forces unies d’autodéfense en Colombie (AUC) et le groupe guérillero des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
Des membres de la communauté, les Nations Unies et le bureau de l’ombudsman de la Colombie avaient prévenu le gouvernement des dangers qu’un combat représenterait pour les civils dans la zone. Le matin du 2 mai, alors que des membres de la communauté se mettaient à l’abri dans une église, l’AUC est entrée dans une école adjacente, utilisant les résidents comme bouclier humain. S’ensuivit la plus brutale attaque en 52 ans de conflit colombien. Les FARC ont bombardé l’église, tuant 79 personnes, dont 48 bébés et enfants. Un des survivants de cette attaque fut Leyner Palacios Asprilla. Lorsqu’il est sorti des décombres, il a découvert que 32 membres de sa famille avaient été tués.
Plus d’une décennie plus tard, en 2014, Leyner a cofondé le Comité des droits des victimes de Bojayá qui représente 11 000 victimes du conflit colombien. Pendant des siècles, en raison de leur pauvreté et de leur isolement, les communautés de la municipalité de Bojayá n’ont jamais pu se faire entendre. Chaque communauté agissait indépendamment, se représentant seule devant le gouvernement, les FARC ou les organisations internationales. Parce que les communautés afro-colombiennes et Emberá étaient distinctes culturellement et linguistiquement, elles se méfiaient souvent les unes des autres. Toutefois, Leyner a compris que si plusieurs voix s’élevaient ensemble, elles seraient plus fortes que si chacune d’entre elles luttait seule pour se faire entendre. Il a uni toutes les communautés dans l’objectif commun d’arrêter la violence et de se battre pour leurs droits fondamentaux. Il a organisé des assemblés avec des représentants de chaque communauté de Bojayá, incluant les plus éloignées, et a encouragé chaque communauté à intégrer une représentante féminine. Aujourd’hui, ces communautés ont créé une voix collective qui amène leurs demandes de respect des droits de la personne aux plus hautes instances gouvernementales du pays et dans le monde entier.
En raison de sa lutte pour la justice sociale, Leyner a été invité à représenter les victimes du massacre de Bojayá lors des négociations de paix entre les forces de la guérilla et le gouvernement. Pour son rôle dans ce processus, il a été mis en candidature pour le Prix Nobel de la paix de 2016. Un autre résultat fut que les FARC ont publiquement reconnu leur rôle dans la tragédie de 2002 en plus de demander pardon lors d’une cérémonie privée organisée à Bojayá.
En rassemblant les communautés dans la lutte pour la justice sociale, Leyner a compris dans quelle mesure l’union de plusieurs voix diversifiées pouvait être puissante. Aujourd’hui, il continue de demander à la Colombie d’embrasser la diversité en respectant les droits de tous ses citoyens et particulièrement des plus marginalisés.
Lenin Raghuvanshi
L’histoire de Lenin
Pendant son enfance dans l’Uttar Pradesh, Lenin Raghuvanshi était troublé par l’inégalité entre les genres dont il était témoin dans la société indienne. En grandissant, sa conscience de la discrimination s’est accrue. En côtoyant des travailleurs asservis en Inde, Lenin s’est aperçu qu’aucun enfant asservi au sein des industries du sari et du tapis ne provenait d’une caste supérieure. Il a identifié les castes, un système de stratification sociale extrêmement hiérarchique et oppresseur, comme la source de nombreux conflits sociaux et comme obstacle majeur à ses rêves de justice pour tous.
En 1996, avec sa femme Shruti Nagvanshi, Lenin a cofondé le People’s Vigilance Committee on Human Rights (PVCHR), un mouvement social inclusif qui conteste le patriarcat et le système des castes et qui défend les droits des groupes marginalisés en Inde. Par une approche populaire néo-dalit, l’organisation travaille pour unifier les Indiens de toutes origines, y compris les Dalits (Intouchables) et les Adivasis (Aborigènes et tribus répertoriées) afin de démonter le système des castes et faire valoir la diversité. Aujourd’hui, PVCHR compte 72 000 membres luttant contre la discrimination fondée sur les castes dans cinq États.
Lenin a redéfini le discours sur la politique des Dalits en Inde. Ses efforts ont attiré l’attention nationale et internationale sur les défis auxquels font face les communautés indiennes marginalisées. Le travail de Lenin dépasse la discrimination fondée sur les castes pour défendre les droits des enfants, des femmes, des travailleurs migrants, des survivants de la torture, des minorités religieuses et de toute autre communauté subissant une discrimination systémique en Inde. Ses initiatives s’étendent d’écoles folkloriques qui enseignent les droits de la personne aux jeunes, aux Jan Mitra Gaon (villages accueillants pour tous), un modèle qu’il met en place dans les taudis et villages conservateurs pour renforcer les institutions locales et promouvoir la non-violence et les droits fondamentaux de la personne.
Dans un pays aussi vaste et diversifié que l’Inde, le travail de Lenin visant à promouvoir l’inclusion et les droits fondamentaux pour tous est complexe, mais essentiel. Dans toutes ses initiatives, Lenin est motivé par sa conviction que chaque vie possède une valeur intrinsèque et qu’aucun cas n’est trop petit. En défendant l’inclusion des personnes défavorisées partout en Inde, Lenin se bat pour le pays qu’il aime. Il fait tout ce qu’il peut pour s’assurer qu’au lieu d’être déchirée par sa remarquable diversité, l’Inde en sera renforcée.
Une des plus anciennes civilisations au monde, l’Inde est en voie de devenir un des pays les plus peuplés. L’Inde est exceptionnellement diversifiée du point de vue religieux, linguistique et ethnique. Près de 80 pour cent des 1,4 million d’habitants de l’Inde sont hindous, mais il y a également des millions de musulmans, de chrétiens, de sikhs, de bouddhistes et de jaïns. Le système des castes en Inde est une hiérarchie sociale datant d’il y a quelque 2 000 ans. Il catégorise les hindous à la naissance, dictant leur place au sein de la société. Les Dalits et les Adivasis se retrouvent au bas de l’échelle. Ensemble, ils représentent près du quart de la population indienne. Ces groupes sont des parias de la société et sont victimes de marginalisation et de discrimination sociales et économiques. Bien que le cadre constitutionnel de l’Inde reconnaisse les droits des différents groupes, le pays connaît une hausse de l’intolérance depuis quelques années, laquelle est alimentée par la montée du nationalisme de droite. On craint réellement que les politiques de citoyenneté inclusive et l’architecture de l’aide sociale en Inde – promues et mises en œuvre dans les 70 dernières années – soient démontées, menaçant ainsi le tissu pluraliste du pays.