Fundación Construir
L’histoire de Fundación Construir
Après la victoire du président Evo Morales, l’assemblée constituante bolivienne s’est rassemblée le 6 août 2006 dans le but d’ébaucher une nouvelle Constitution nationale. La Fundación Construir a commencé en tant que groupe d’experts embauché par l’assemblée pour la conseiller sur la manière d’intégrer les systèmes juridiques occidentaux et autochtones dans la nouvelle Constitution afin de s’assurer que les nombreux différents groupes nationaux que compte la Bolivie y soient représentés. En permettant un dialogue entre les politiciens, les juges et les communautés autochtones, le groupe a contribué à la création de trois articles historiques reconnaissant les pratiques traditionnelles autochtones en matière de droit et de résolution de conflit.
Ce groupe d’experts est devenu la Fundación Construir en 2008. Depuis, il a continué d’aider les décideurs politiques, les juges et les communautés autochtones à appliquer la vision inclusive de la loi de la nouvelle Constitution afin de créer une Bolivie pluraliste. Construir signifie, de toute évidence, « construire », ce qui n’est pas une tâche facile dans ce pays qui compte 36 langues officielles, 50 nations autochtones et plus de 2 000 systèmes juridiques différents. La Bolivie est un pays polarisé où il est difficile d’atteindre un consensus.
Construir travaille comme groupe de réflexion et comme rassembleur. Il produit de l’importante recherche – comme son répertoire complet des systèmes juridiques autochtones – et sert de lien entre l’État et les communautés autochtones, s’assurant que les meilleures pratiques sont suivies lorsque les autorités travaillent ensemble. Construir offre également des formations dans les communautés autochtones pour garantir leur pleine intégration au sein du système juridique, et forme les juges et d’autres fonctionnaires pour les aider à favoriser le respect envers la justice traditionnelle autochtone.
Construir a également contribué au développement des compétences de centaines de femmes autochtones qui agissent à titre de leaders communautaires en reliant les communautés éloignées aux institutions. Ces femmes ont obtenu le statut juridique de « défenseures de la communauté » et ont été déterminantes dans la lutte contre le trafic humain et la violence faite aux femmes et aux enfants.
Dans un pays qui compte autant de groupes disparates et de défis, le travail de Construir est une poursuite d’équilibre constante. Ses activités sont fondées sur une croyance dans les droits de la personne et sur une vision pluraliste de la justice voulant que celle-ci représente chaque membre de la population diversifiée de la Bolivie.
Namati Kenya
« Faire partie des lauréats du Prix mondial du pluralisme pour ce travail est un véritable honneur. Cela témoigne de l’idée selon laquelle tout le monde, même ceux depuis longtemps en marge, peut être agent de changement et participer à la création d’une société pluraliste. »
Mustafa Mahmoud, Namati Kenya
L’histoire de Namati Kenya
Botul, mère de quatre enfants et membre de la communauté nubienne du Kenya, s’est fait dire que ses enfants ne pourraient plus aller à l’école parce qu’ils n’avaient pas de certificat de naissance. Toutefois, elle ne pouvait pas en faire la demande avant d’avoir reçu une carte d’identité. Au Kenya, la carte d’identité nationale est requise pour voter, se déplacer librement et accéder à des services de base comme les soins de santé, l’éducation et l’emploi. Malheureusement, obtenir une carte d’identité n’est pas facile pour une personne comme Botul. Faisant partie d’une des communautés kényanes à majorité musulmane, elle se retrouve parmi les cinq millions de Kényans qui sont victimes d’un processus de filtrage discriminatoire lorsqu’ils tentent d’obtenir des documents d’identité juridiques de base. Bien que la majorité des Kényans obtiennent une carte d’identité en quelques semaines, plusieurs individus issus des groupes ethniques minoritaires à majorité musulmane doivent attendre des mois ou des années avant de recevoir leurs documents, et parfois ne les reçoivent jamais.
Botul a fini par trouver les conseils dont elle avait besoin auprès de Zena, une parajuriste communautaire formée par Namati Kenya. Zena a aidé Botul à comprendre ses droits et l’a soutenue à chaque étape du processus de demande du document d’identité. Botul a pu obtenir sa carte d’identité, après quoi elle a immédiatement demandé les certificats de naissance de ses enfants. Maintenant, pendant que ses enfants vont à l’école, Botul partage ses nouvelles connaissances avec sa communauté.
Par son programme de justice citoyenne, Namati Kenya forme et déploie des parajuristes communautaires afin de soutenir les citoyens marginalisés et les aider à comprendre et utiliser la loi pour ultimement pouvoir la façonner. Depuis 2013, les parajuristes de Namati Kenya ont aidé plus de 12 000 Kényans à présenter une demande de documents juridiques. Avec les données recueillies d’après ces cas, l’organisation suit les tendances discriminatoires dans le pays et plaide en faveur d’un changement systémique. Namati Kenya fait également de la sensibilisation juridique par le biais de mobilisations populaires, du porte-à-porte, des forums communautaires et une émission de radio sur les droits des communautés. Actuellement, Namati Kenya mène les efforts de plaidoyer visant à apporter des modifications à Huduma Namba, un nouveau système national d’identification basé sur la biométrie, afin de s’assurer qu’aucun Kényan n’en soit exclu.
Travaillant avec une coalition de partenaires, Namati Kenya réunit des communautés diversifiées pour reconnaître leurs défis communs et pour initier un dialogue national sur « qui est Kényan » et ce que l’appartenance signifie. La création de tels liens entre diverses communautés est une étape essentielle à l’établissement d’une société inclusive et pluraliste. Par leur travail sur la justice citoyenne, Namati Kenya transforme la loi en la faisant passer d’un système abstrait au service d’une minorité, à un outil pratique et puissant que tous les citoyens du Kenya, dans toute leur diversité, peuvent utiliser pour améliorer leur vie et établir une société qui respecte les droits et la dignité de tous ses membres.
Le Kenya, qui abrite près de 50 millions de personnes, possède une population extrêmement diversifiée composée de plus de 40 groupes ethniques représentant quatre grands groupes linguistiques. Le pays est également diversifié du point de vue religieux, avec une majorité chrétienne, une importante minorité musulmane et des communautés adhérant à l’hindouisme, au sikhisme et à des religions autochtones. Après des élections contestées en 2008, la violence a éclaté entre groupes ethniques. Après des mois de conflit, une nouvelle Constitution a été rédigée pour reconnaître la nature pluraliste de la société kényane. Malgré cela, plusieurs groupes minoritaires, particulièrement les communautés à majorité musulmane, sont considérés comme des étrangers et ont de la difficulté à se faire reconnaître comme citoyens à part entière.
REDIN
« Ce prix est une occasion de faire connaître les luttes des jeunes du Sud, des jeunes racialisés qui résistent à l’oppression linguistique et culturelle de l’État et de son système judiciaire. Nous nous réinventons et nous nous battons, ensemble, depuis nos territoires »
Eduardo Martinez, directeur général et représentant juridique du Réseau d’interprètes et de promoteurs interculturels A.C.
L’histoire du Réseau d’interprètes et de promoteurs interculturels Association civile
Un groupe de jeunes interprètes pénètre dans une prison de la région rurale d’Oaxaca, au Mexique. Comme partout dans cet État, cette prison est extrêmement diversifiée. De nombreuses personnes derrière les barreaux ne parlent pas l’espagnol; elles parlent une variété de langues autochtones. Ce sera leur première occasion depuis des mois de converser dans leur propre langue. Dans certains cas, le tribunal hispanophone ne leur a jamais communiqué les charges retenues contre elles. Avec l’aide des interprètes, elles peuvent poser des questions sur leurs procédures judiciaires et obtenir les dernières nouvelles concernant leur communauté. Par la suite, les interprètes mettront ces personnes en contact avec des défenseurs publics et veilleront à ce que leurs droits juridiques soient respectés.
Les interprètes sont membres du Réseau d’interprètes et de promoteurs interculturels Association civile (REDIN), un collectif de jeunes autochtones qui renforce l’accès à la justice pour les peuples autochtones. Le REDIN fournit des services d’interprétation en langue autochtone adaptés à la culture des Oaxaquiens engagés dans des procédures judiciaires au Mexique et aux États-Unis.
Oaxaca est un lieu de grande diversité linguistique et culturelle, avec 16 groupes autochtones recensés et plus de 177 variantes linguistiques. Les communautés autochtones de la région sont confrontées au racisme structurel et historique. Pour échapper aux faibles possibilités économiques et à la marginalisation, de nombreuses personnes émigrent vers d’autres régions du Mexique et des États-Unis. Cette situation place souvent les groupes autochtones, les jeunes, les femmes et les personnes issues de la diversité des genres dans des situations dangereuses ou en contact avec des systèmes juridiques qui ne comprennent pas leur contexte culturel, économique et politique. Lorsqu’ils sont confrontés au système judiciaire, les services d’interprétation pour les langues autochtones font cruellement défaut.
En formant de jeunes professionnels au métier d’interprète avec une approche interculturelle des droits de la personne, le REDIN contribue à garantir les droits des Autochtones à chaque étape du processus judiciaire. Depuis 2019, le REDIN a formé plus de 120 jeunes autochtones en tant qu’interprètes et a aidé plus de 800 personnes autochtones dans leurs processus judiciaires. En collaboration avec les institutions judiciaires locales, le REDIN a produit un module de formation des interprètes en langues autochtones dans le domaine des poursuites judiciaires et de l’administration de la justice à Oaxaca.
Le REDIN propose également des formations sur les droits de la personne et l’engagement civique aux étudiants autochtones et contribue à préserver la diversité culturelle de l’État d’Oaxaca en documentant les traditions orales et en défendant les droits des artisans.
Les initiatives de ce réseau aident la population diversifiée d’Oaxaca à faire respecter ses droits, à faire entendre sa voix et à valoriser sa culture. La mise en relation avec l’un des interprètes du REDIN peut changer la vie d’un prisonnier. En outre, le REDIN renforce les systèmes judiciaires, les rendant plus inclusifs et plus réceptifs à la diversité de la population mexicaine.