ATD Quart Monde

ATD Quart Monde’s Story

En 1956 , le père Joseph Wresinski venait tout juste d’arriver en France pour agir à titre d’aumônier auprès de 250 familles de sans-abri regroupées à Noisy-le-Grand, un camp d’hébergement d’urgence près de Paris. Les conditions dans le camp étaient épouvantables : des cabanes de tôle sur un terrain boueux, quatre pompes à eau pour plus de mille personnes, et des enfants mourant gelés ou brûlés lorsque les systèmes de chauffage de fortune ne fonctionnaient pas.

Lui-même issu d’un milieu pauvre, le père Joseph comprenait les habitants de Noisy-le-Grand. Une des premières choses qu’il a faites fut de remplacer la soupe populaire et la distribution de vêtements d’occasion par une librairie et un jardin d’enfants. Il envoyait ainsi un message clair qui est toujours au cœur du mouvement ATD Quart Monde : les personnes qui vivent dans la pauvreté n’ont pas besoin de pitié et de charité; ils ont besoin de s’impliquer dans la lutte contre la pauvreté. Ils ont besoin d’être entendus par les décideurs.

« Je vous ferai monter les marches de l’Élysée, des Nations Unies et du Vatican », le père Joseph a-t-il promis aux familles de Noisy-le-Grand. Lorsqu’il est décédé en 1987, après avoir passé 30 ans à consolider des alliances et défendre leur cause, il les avait amenés à parler aux plus hautes autorités en France et à des diplomates des Nations Unies. Quant à la visite au Vatican, elle a eu lieu deux ans plus tard.

Le projet de développement communautaire que le père Joseph a commencé à Noisy-le-Grand a grandi pour devenir ATD Quart Monde, une organisation internationale dont le siège social est à Paris et qui est vouée à l’éradication de la pauvreté et à l’autonomisation des personnes les plus désavantagées du monde. ATD signifie Aide à Toute Détresse et, fidèle à son nom, le mouvement a uni des milliers de personnes de toutes affiliations politiques, religieuses, culturelles et socioéconomiques dans 34 pays.

En France, ATD Quart Monde a contribué à intégrer des groupes marginalisés dans la société en apportant des changements à l’échelle structurelle et légale; une composante essentielle du pluralisme. Par exemple, ATD a été déterminante à l’adoption d’un revenu minimum d’insertion pour les gens sans emploi, à la couverture de santé universelle et au droit au logement opposable. La moitié de l’aide sociale en France aujourd’hui découle des actions d’ATD. À l’échelle internationale, ATD Quart Monde est représentée à l’UNESCO et aux Nations Unies.

Sur les terrains boueux de Noisy-le-Grand est né un mouvement international. Aujourd’hui, il unit des individus de cinq continents et de tous horizons dans un travail visant à créer un monde meilleur et sans pauvreté.

La Fondation Artemisszió

« Après des années de coupures de financement du gouvernement et d’attaques par les médiats contrôlés par l’État, Artemisszió est une des dernières organisations encore debout qui promeut explicitement le pluralisme en Hongrie. Cette équipe engagée a créé un réseau de Hongrois accueillants qui résistent au sentiment xénophobe et anti-immigrant qui prévaut au pays. »

Joe Clark, ancien premier ministre du Canada et président du jury du Prix.

L’histoire d’Artemisszió

Dix pays européens ont construit des clôtures et des murs le long de leurs frontières. Ensemble, ils sont six fois plus longs que le mur de Berlin. La Hongrie possède actuellement l’une de ces clôtures fortifiées. La Fondation Artemisszió pose la question suivante : si, au lieu de fermer nos frontières, nous nous ouvrions aux nouveaux arrivants? 

Depuis sa création en 1998, la Fondation Artemisszió favorise l’inclusion sociale des populations les plus désavantagées de la Hongrie, y compris les jeunes de milieux défavorisés, les femmes roms, les migrants et les réfugiés.

Dans ce contexte de peur et de préjugés, la Fondation Artemisszió propose un modèle alternatif. S’appuyant sur des bénévoles engagés et menant ses activités au sein d’un réseau international, Artemisszió offre des stages, des occasions de bénévolat, du mentorat, de la formation linguistique, de la coopération avec les écoles, des ateliers sur la démocratie et l’alphabétisation médiatique, du soutien pour l’art activiste et plus encore, et ce, afin de favoriser la compréhension mutuelle et de s’attaquer à l’exclusion.

L’indispensable travail d’Artemisszió sur la diversité culturelle est présentement menacé. Le gouvernement hongrois a sévèrement limité les activités des organisations non gouvernementales, le soutien que la Fondation recevait de l’Union européenne a été bloqué et certains de ses contrats professionnels ont été annulés. Par conséquent, l’organisation a dû limiter la formation interculturelle qu’elle offrait aux professionnels de la santé et de l’éducation, aux autorités locales, aux policiers et aux travailleurs sociaux pour les aider à comprendre et à mieux servir les communautés désavantagées. En réponse, Artemisszió s’est attachée à renforcer son programme communautaire. Son réseau Mira relie de nouveaux arrivants et des résidents dans des programmes de mentorat, d’apprentissage linguistique ou d’activités sociales comme des dîners informels, des clubs de cinéphiles et des circuits en ville.

La clôture borde toujours la frontière sud de la Hongrie, mais il y a de l’espoir lorsque des organisations comme Artemisszió utilisent l’innovation et l’optimisme pour lutter contre tout ce que la clôture représente. À travers des décennies d’engagement, Artemisszió s’est bâti un réseau solide et actif d’organisations et d’individus qui s’opposent aux obstacles et elle continuera de travailler sans relâche et avec joie pour une société ouverte et tolérante.

En réponse à une hausse de la migration sans papier en Hongrie en 2015, le premier ministre populiste Viktor Orbán a déclaré une « situation de crise » et a construit une clôture frontalière électrifiée d’une longueur de 170 kilomètres. La rhétorique anti-immigration, propagée par les médias largement contrôlés par l’État, a également augmenté dans un effort de promouvoir une identité nationale fondée sur le christianisme. Dans la dernière année, une loi criminalisant les services et le soutien offerts aux migrants et aux demandeurs d’asile a été adoptée, faisant d’eux une infraction punissable d’un emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an. En août 2018, une taxe de 25 % sur le financement étranger offert à toute organisation « appuyant l’immigration » a été introduite. Le retrait subséquent du financement des partenaires gouvernementaux et européens a eu un impact significatif sur ces organisations. 

Le Centre pour l’intégrité sociale

« Ce Prix reconnaît que le changement peut provenir de l’intérieur, et que ce qui commence comme une petite initiative locale peut devenir un mouvement fort et significatif. C’est une grande réalisation de pouvoir représenter des Rohingyas qui se battent pour la tolérance et le pluralisme de concert avec des personnes d’ethnies et de religions différentes. J’espère qu’un jour, la diversité au Myanmar ne sera pas seulement acceptée, mais célébrée. »

Aung Kyaw Moe, directeur général du Centre pour l’intégrité sociale

L’histoire du Centre

Aung Kyaw Moe rêve du jour où les habitants de son pays, le Myanmar, percevront la diversité comme une source de force plutôt qu’une source de conflit, où les inégalités seront résolues et où les groupes minoritaires seront enfin inclus de façon significative dans les sphères sociale, économique et politique.

Armé de sa vision, en 2016, Aung Kyaw Moe a réuni une équipe diversifiée pour fonder le Centre pour l’intégrité sociale (CSI). Son objectif est de bâtir, au Myanmar une société non discriminatoire et inclusive dans laquelle le pluralisme est valorisé. Le CSI travaille avec des jeunes de régions touchées par le conflit en développant leurs compétences et en leur offrant les occasions nécessaires pour bâtir une société pacifique et pluraliste.

Pour créer un avenir sans conflits, le CSI cultive une génération de jeunes leaders tournés vers le pluralisme. Le CSI offre aux jeunes des formations sur la sensibilité au conflit, la cohésion sociale et la consolidation de la paix. Seul projet en son genre au Myanmar, il s’agit souvent de la première occasion qu’ont les jeunes d’interagir avec des personnes de religion ou de groupe ethnique différents des leurs. Déjà, ces jeunes leaders sont devenus de puissants agents de changement dans leur communauté, où ils aplanissent des tensions, font de la médiation de conflit et répandent un message de respect de la diversité.

L’organisme a été fondé par Aung Kyaw Moe – un professionnel humanitaire Rohingya. Les employés et les parties prenantes du CSI proviennent tous des mêmes régions que les jeunes participants. Ce leadership hautement localisé permet au personnel du CSI d’avoir une compréhension profonde des conflits entre différentes communautés et un accès aux communautés auxquelles d’autres organisations de consolidation de la paix et ONG internationales ne peuvent accéder. Cela leur permet de travailler avec des personnes qui pourraient autrement hésiter à se faire aborder.

Cette position unique a été particulièrement cruciale en 2017, quand le déclenchement d’un conflit a forcé près de 700 000 Rohingyas à fuir leur foyer dans le nord de l’État de Rakhine, au Myanmar, pour se réfugier au Bangladesh. Le CSI a fait partie des rares organisations ayant un accès aux communautés touchées par le conflit et possédant une profonde compréhension de la longue agitation sociale. Dans le passé, diverses ONG et agences de l’ONU ont été accusées de partialité dans l’offre de leur aide humanitaire, ce qui a exacerbé les tensions dans la région. Le CSI a offert une aide humanitaire tout à fait impartiale. Malgré le caractère délicat de cette entreprise, l’organisme a offert de l’aide à quiconque en avait besoin, quelle que soit son ethnie ou sa religion. En seulement trois mois, le CSI a pu atteindre 80 000 personnes. En répondant aux besoins humains sans préjugé, le CSI a démontré que sa compassion n’a aucune limite et que son respect pour la dignité humaine transcende toute division.

Aung Kyaw Moe comprend que pour assurer une paix durable au Myanmar, les attitudes à l’égard de la diversité doivent changer. Le CSI rend cela possible en habilitant les jeunes leaders de diverses communautés à entrer en dialogue et à devenir des agents de changement dans leur communauté. Cette nouvelle génération de penseurs pluralistes peut aider à créer une société qui est non seulement sans danger, mais qui est également vibrante et cohésive, et ce, non pas malgré sa diversité, mais grâce à elle.

Avec plus de 135 groupes ethniques, 110 langues et un vaste éventail de religions, le Myanmar est un pays incroyablement diversifié. Colonie britannique pendant plus de 100 ans, le pays a déclaré son indépendance en 1948, mais a été dirigé par une série de gouvernements militaires jusqu’en 2011. La transition du pays vers la démocratie a été marquée par des troubles sociaux généralisés ainsi que par des persécutions ethniques et religieuses. La discrimination historique à laquelle sont confrontés les groupes minoritaires a entraîné des griefs et enfin, de la violence sectaire. Ces troubles sont considérés comme étant la plus longue guerre civile au monde.

Les Rohingyas, une minorité musulmane apatride au sein d’un pays largement bouddhiste, font partie des groupes persécutés au Myanmar. Le gouvernement du pays leur refuse la citoyenneté, déclarant qu’ils sont des immigrants illégaux venant du Bangladesh, même si plusieurs d’entre eux sont là depuis des générations. Le Bangladesh nie également qu’ils sont ses citoyens. Les déplacements et l’accès à l’emploi des Rohingyas sont extrêmement limités. Ils ont été victimes d’atrocités de masse aux mains des militaires et ont été forcés de s’enfuir.

Community Building Mitrovica

L’histoire de l’équipe

Dans le nord du Kosovo, la rivière Ibar sépare la ville de Mitrovica en deux. Le groupe ethnique des Albanais vit au sud de la ville et le groupe ethnique des Serbes vit au nord. Même si un pont relie les deux côtés, il est devenu un emblème de conflit plutôt qu’un moyen de ralliement. Le pont est gardé par des forces internationales lourdement armées et la circulation automobile est bloquée par des amas de béton. Peu de piétons se risquent à le traverser, et certains jeunes à Mitrovica n’ont jamais rencontré d’habitant de l’autre rive de l’Ibar. Dans un contexte de peur, de méfiance et de division, Community Building Mitrovica (CBM) travaille pour rebâtir les liens communautaires, faciliter le dialogue interethnique et promouvoir l’intégration sociale.

CBM est la première organisation civile populaire établie à Mitrovica après la guerre du Kosovo de 1998 – 1999. Après son inauguration en 2001, CBM a facilité le premier contact entre les deux groupes de la ville et est un leader de la coopération interethnique dans la région depuis ce jour. La majeure partie du travail de CBM consiste à offrir des espaces sécuritaires pour les résidents de Mitrovica, tant les Serbes que les Albanais, afin qu’ils entrent en contact et établissent des liens fondés sur un intérêt ou un besoin commun.

Les activités de l’organisation ont souvent débouché sur des initiatives durables qui se sont poursuivies des années après la fin d’un projet. Par exemple, le réseau multiethnique Women in Business, qui soutient des entrepreneuses; la Mitrovica Women Association for Human Rights, qui promeut activement la participation des femmes en consolidation de la paix; et la Mitrovica Rock School, qui, en clin d’œil à l’histoire de la ville comme plaque tournante de la musique rock, réunit des jeunes serbes, albanais, macédoniens et roms pour jouer de la musique. CBM travaille actuellement avec l’Université de Pristina, un établissement d’éducation public au Kosovo, pour établir un programme des maîtres en consolidation de la paix et en justice transitionnelle.

CBM est allé au-delà de son mandat pour mettre diverses communautés en contact, faisant tout ce qu’il peut pour donner du pouvoir aux membres des communautés en tant que participants actifs dans les processus décisionnels sur les projets et interventions communautaires. L’organisation est devenue une source d’information fiable pour les organismes internationaux et locaux travaillant dans les domaines de la consolidation de la paix, des droits de la personne, du développement économique et de la cohésion sociale. En passant des années à renforcer la confiance des communautés des deux rives de l’Ibar, CBM a changé la mentalité de milliers de citoyens et contribué de façon tangible à faire avancer le pluralisme à Mitrovica et d’un bout à l’autre du Kosovo.

Après la guerre du Kosovo (1998 – 1999), les Serbes se sont déplacés du sud au nord du pays alors que les Albanais sont passés du nord au sud. Cette division a trouvé des échos à Mitrovica, qui demeure le point chaud des tensions ethniques au Kosovo. Les interactions entre les communautés étaient limitées, sauf lorsqu’elles débouchaient sur des conflits violents et parfois mortels. Aujourd’hui, les tensions entre les deux groupes demeurent élevées. Les émeutes d’octobre 2021 ont ravivé la peur d’une intensification de la violence à Mitrovica.

All Out

L’histoire de All Out

All Out est un rassembleur. Lorsqu’une crise éclate ou qu’une occasion se présente, l’équipe internationale d’All Out travaille avec des groupes LGBT+ locaux de première ligne pour trouver des façons inspirantes d’améliorer l’expérience vécue des personnes LGBT+ dans leur société. Il fait connaître des histoires locales à des publics mondiaux pour unir des centaines de milliers de personnes de partout dans le monde et leur offrir des moyens concrets de faire une différence, et ce, afin de transformer la solidarité en action. All Out élabore de puissants outils pour mobiliser le soutien mondial envers les activistes LGBT+, notamment des campagnes narratives numériques qui amplifient leur voix, des pétitions en ligne qui ciblent des décideurs clés et des campagnes de sociofinancement qui amassent des centaines de milliers de dollars afin de soutenir des initiatives de partenaires locaux.

Les résultats d’All Out sont puissants et vastes. Sa campagne de sociofinancement a permis de payer de la nourriture et des articles sanitaires aux réfugiés LGBT+ du camp de Kakuma, au Kenya, et de lancer le premier centre pour personnes LGBT+ au Venezuela. Les campagnes de pression d’All Out ont entraîné la suppression de stéréotypes homophobes dans les manuels scolaires en Chine, l’altération de traductions dérogatoires produites par Google pour les termes « gai » et « homosexuel » et l’interdiction de la thérapie de conversion en Allemagne. Au Brésil, qui possède un des plus importants taux de violence anti-LGBT+ au monde, All Out a créé Acolhe LGBT+ (Bienvenue LGBT+), une plateforme qui met en contact des psychologues bénévoles formés par All Out pour prendre soin des personnes LGBT+, et particulièrement des survivants de crimes haineux et d’autres membres à risque de la communauté LGBT+. Par un soutien ciblé en santé mentale axé sur la dignité et l’autonomie, le programme a donné à plus de 1 400 Brésiliens LGBT+, dont des membres de populations rurales mal desservies, les ressources, le soutien et la liberté nécessaires pour vivre pleinement leur identité et pour contribuer de façon cruciale à leur communauté élargie. Partout dans le monde, All Out change la conversation sur les droits des personnes LGBT+. En mobilisant la puissance d’une communauté mondiale dynamique, l’organisation remplace les discours de peur et de haine par un discours portant sur les avantages économiques, sociaux et culturels de la pleine égalité des personnes LGBT+. Par ses efforts diversifiés et novateurs, All Out se bat pour un monde dans lequel personne ne doit sacrifier sa famille, sa liberté, sa sécurité ou sa dignité en raison de son identité ou de celle de son partenaire.

Dans plus de 70 pays, être gai constitue un crime. Dans 10 pays, cela peut même vous coûter votre vie. Même là où il n’y a pas de lois antigais, les personnes LGBT+ continuent d’être victimes de violence, de persécutions et d’inégalité. Dans chaque pays du monde, les individus LGBT+ subissent une discrimination fondée sur leur orientation sexuelle, identité de genre et expression de genre. Les dernières années ont vu une régression des droits LGBT+ dans le contexte de la montée du populisme de droite. Le Brésil connaît une poussée de violence anti-LGBT+. Aux États-Unis, la violence fatale contre les personnes transgenres est en hausse. En Pologne, des villes et des provinces se sont proclamées « zones sans LGBT », et de nouvelles lois anti-LGBT+ ont été proposées dans divers pays, dont la Hongrie, le Ghana, l’Ouganda et la Russie.

Puja Kapai

« En récompensant mon travail visant à faire avancer la justice sociale en matière de race, de genre et de droits des minorités, ce prix rend visibles les réalités vécues de tous ceux qui sont régulièrement marginalisés et qui subissent l’exclusion et la discrimination systémique »

Puja Kapai

L’histoire de Puja

Ayant grandi au sein d’un groupe ethnique minoritaire dans la société racialement homogène de Hong Kong, Puja Kapai s’est heurtée à des obstacles à l’éducation dès son jeune âge. À l’époque, la ségrégation raciale dans les écoles était encore une pratique courante. Puja s’est donc inscrite à une école publique accueillant une forte concentration d’élèves issus de minorités ethniques. Cette école deviendrait un des quelques établissements désignés acceptant des enfants minoritaires. Alors que ses camarades chinois assistaient à des cours de cantonais, une langue qui leur permettrait d’obtenir de meilleurs emplois parmi la population active de Hong Kong, Puja devait se rendre dans la classe de musique pour effectuer des périodes d’étude autodidacte en compagnie d’autres enfants issus de minorités ethniques.

Malgré ce départ inégal, Puja a fini par devenir une chercheuse largement publiée, avocate, enseignante et défenseuse de la justice sociale. Elle a adopté une approche unique combinant la recherche empirique approfondie, la mobilisation populaire et le plaidoyer pour instaurer des changements durables à Hong Kong. Son rapport exhaustif sur le statut des minorités ethniques à Hong Kong réunit des données complètes pour présenter, pour la toute première fois, comment la nature systémique de la discrimination raciale s’inscrit dans plusieurs domaines, dont l’éducation, l’emploi et le logement. Le travail de Puja démontre l’importance d’aborder les facteurs étroitement liés tels que le genre, la race, l’âge et le statut d’immigration qui, en retour, soulignent le besoin d’une approche intersectionnelle à la compréhension des causes des inégalités à Hong Kong.

Le plus important travail de Puja est son illustration minutieuse de l’impact négatif des écoles ségréguées sur la vie des individus issus des minorités ethniques de Hong Kong, notamment la perte de possibilité et la privation dans de nombreux domaines. Elle a présenté cette recherche au gouvernement de Hong Kong et à trois organismes s’occupant des traités des Nations Unies (ONU) révisant les obligations de Hong Kong en matière de discrimination raciale, de droits des enfants et de droits de la personne. En 2014, en réponse directe à la recherche et au plaidoyer de Puja, et en collaboration avec des organisations locales non gouvernementales dirigeant les travaux sur ces questions, Hong Kong a aboli la politique officielle désignant des écoles séparées pour les enfants issus de minorités ethniques, et le gouvernement a introduit un cadre pédagogique d’apprentissage d’une langue seconde dans le programme de langues chinoises des écoles publiques.

Ce n’est qu’un exemple du formidable impact de Puja sur sa société. Son travail se penche sur les enjeux de l’éducation, de la violence familiale, des droits des enfants, de la violence fondée sur le genre, de la discrimination fondée sur la race, le genre, la religion et l’orientation sexuelle et des préjugés inconscients. En outre, son travail a aidé des législateurs, ministères gouvernementaux et organismes de la société civile à élaborer des lois et des politiques en utilisant une approche intersectionnelle dans un vaste éventail de secteurs pour garantir une protection égale pour tous. Elle a revendiqué avec succès la révision de procédures gouvernementales pour traiter des cas de violence faite aux enfants, de maltraitance des enfants, et de violence familiale et sexuelle impliquant des minorités ethniques ainsi que l’amélioration de programmes de formation pour les policiers traitant les dossiers impliquant des minorités ethniques. Sa recherche et ses activités de plaidoyer ont entraîné la création par le gouvernement de mesures ciblées visant à soutenir les minorités ethniques.

Ayant elle-même subi les effets négatifs de l’exclusion et des préjugés, Puja travaille sans relâche pour faire avancer l’égalité des droits pour tous les habitants de Hong Kong. Qu’elle s’adonne à la recherche, au plaidoyer ou à la mobilisation, ou qu’elle enseigne à ses étudiants comment reconnaître et aborder les enjeux de justice sociale qui les entourent, Puja est motivée par la conviction profonde que tous les Hongkongais méritent le même respect et les mêmes possibilités, et que les lois et politiques de sa ville seront renforcées par leur inclusion et la reconnaissance de leur dignité égale.

Même si Hong Kong a la réputation mondiale d’être une plaque tournante internationale, la ville est homogène du point de vue racial. Les Chinois composent environ 92 pour cent de la population. Les minorités ethniques représentent 8 pour cent de la population de Hong Kong. Parmi celles-ci, 4,2 pour cent sont des travailleurs domestiques étrangers qui doivent respecter des modalités de travail temporaire dans le cadre d’un régime d’emploi spécifique. Enfin, 3,8 pour cent sont des résidents à long terme faisant partie des minorités ethniques. Ce groupe de minorités ethniques a des possibilités limitées et est victime de préjugés et de discrimination systémiques dans plusieurs domaines, dont l’éducation, l’emploi, le logement et les soins de santé. Les barrières linguistiques exacerbent les défis structurels des minorités. Sans éducation, en cantonais ou en mandarin, les minorités ethniques sont plus susceptibles d’occuper des postes moins bien rémunérés. La pauvreté et l’accès inégal aux services sociaux essentiels affectent ces communautés de façon disproportionnée.

Touché

L’histoire de Touché

Dans un grand gymnase lumineux de Gand, en Belgique, des personnes de tous âges et de toutes capacités participent à un cours de boxe. D’autres se joignent à l’action en ligne. Cette séance est animée par Ismail Abdoul, champion de boxe et membre de l’entreprise sociale belge Touché. Il aide les participants à améliorer leur technique et les encourage lorsqu’ils font des jabs et des crochets, qu’ils pratiquent leur jeu de jambes ou qu’ils utilisent le sac de frappe. Lui et ses collègues encouragent les participants à persévérer dans les moments difficiles. Il les invite à réfléchir à leurs difficultés et à les aborder sous un angle différent. À la fin de la séance, les participants sont en sueur et souriants, car ils ont noué des liens avec leurs amis et se sont libérés des tensions accumulées au fil de la journée. Comme l’explique Ismail, ces participants apprennent à se battre pour moins se battre. Les cours de boxe font partie des nombreuses initiatives développées par Touché pour combler le fossé entre différents groupes et apprendre aux gens à réorienter leur agressivité et leur colère de manière positive.  

Touché apporte un soutien psychologique et rééducatif aux personnes qui ont traversé, ou qui traversent encore, une période difficile de leur vie (par exemple, une rupture amoureuse, une incarcération, une crise professionnelle) en mettant l’accent sur la réorientation de l’agressivité vers des objectifs positifs et sur l’acquisition d’outils permettant de gérer efficacement les conflits. Parallèlement, l’organisation s’efforce de modifier les perceptions de la société en soulignant que la colère et l’agressivité sont universelles.  

Au lieu d’apporter des solutions constructives et cohérentes à la colère et à ses causes, la société la réprime et en confie la gestion au système de justice pénale, l’emprisonnement étant le symbole de ce cycle progressif. Cela renforce l’exclusion, diminue les compétences cognitives et émotionnelles et perturbe le réseau social ainsi que le filet de sécurité des individus pris dans ce système. 

Touché a commencé à proposer des thérapies axées sur les solutions en 2007. Aujourd’hui, l’organisation propose un large éventail de programmes, allant des conseils et de la formation à des séances de boxe ou de calme, animés par une équipe diversifiée dont font partie d’anciens détenus. En mettant l’accent sur la dimension humaine d’un individu plutôt que sur ses antécédents, son diagnostic ou son « problème », Touché favorise les relations interpersonnelles fondées sur le respect et les intérêts communs. 

Le travail de Touché a un profond impact sur les vies individuelles, sur le grand public et, de plus en plus, sur la législation en Belgique. En créant des possibilités pour les membres des populations traditionnellement exclues de contribuer de manière significative par leurs compétences et leurs perspectives uniques, Touché construit un modèle puissant pour une société pacifique et inclusive qui est prête à répondre de manière positive à la colère et à ses causes. 

REFORM

« Depuis ses débuts, REFORM se consacre à la promotion de la diversité et à l’acceptation des différences comme une ressource précieuse pour la diversité sociale et culturelle, qui à son tour favorise la solidarité entre les différentes composantes de la société palestinienne. Nous luttons activement contre les stéréotypes et la stigmatisation sur tous les fronts. Ce prix témoigne que nous sommes engagés sur la bonne voie et nous espérons qu’il s’agira d’une réussite internationale pour la Palestine. Il nous incite à poursuivre nos courageux efforts contre l’exclusion, l’asymétrie de pouvoir et la marginalisation. Il nous aidera à mieux nous faire entendre pour réclamer le rétablissement de la démocratie en Palestine »

Oday Karsh, directeur général de REFORM

L’histoire de REFORM

Dans un café de la ville palestinienne de Ramallah, de jeunes hommes et femmes sont assis en petits groupes et discutent de passages de L’Alchimiste de Paulo Coelho. Ils sont venus de différentes communautés et de différents milieux de Palestine pour participer à ce café culturel organisé par REFORM : l’Association palestinienne pour l’autonomisation et le développement local. Avec l’aide d’un animateur, ils discutent du lien entre le livre et les questions d’appartenance. Ensuite, ils se lèvent pour participer à un jeu de rôle inspiré du livre, dans lequel chaque personne joue le rôle d’une autre. Ces jeunes vivent dans le camp de réfugiés voisin, dans les zones C (zones de la Cisjordanie contrôlées par Israël), dans la ville de Ramallah ou dans les villages environnants. Les rencontres entre eux sont extrêmement importantes en raison du manque d’espace civique et du contexte tendu en Palestine.  

Les déplacements étant fortement limités en raison de l’occupation israélienne, les processus démocratiques et les espaces civiques font défaut; il existe des clivages politiques, une violence permanente et une incertitude économique. La Palestine est très instable et fragmentée par la stigmatisation et l’exclusion sociale. La jeunesse palestinienne est de plus en plus confrontée à des difficultés qui entravent sa participation aux sphères sociales et politiques. De nombreuses femmes sont également marginalisées dans la vie civique et économique, tandis que les taux de violence fondée sur le genre augmentent.  

Fondée en 2012 par un groupe de jeunes militants, REFORM est une organisation non gouvernementale palestinienne qui s’efforce de donner aux groupes marginalisés et aux communautés difficiles à atteindre les moyens de participer à la vie sociale et d’influer sur la prise de décision. Pour répondre aux besoins complexes de leur société, l’organisation a développé un large éventail d’initiatives, allant de son projet Accès au-delà des frontières, qui renforce la participation sociale et politique des jeunes et des femmes stigmatisés issus des camps de réfugiés, des zones C et des communautés difficiles à atteindre, à son Programme de gouvernance et de politique publique, qui réforme le processus d’élaboration des politiques publiques pour le rendre plus inclusif. D’autres projets renforcent la participation des femmes à la société par le biais de possibilités économiques et d’actions de plaidoyer. REFORM forme également les jeunes et leur fournit les outils nécessaires pour transformer les conflits entre groupes et les partis politiques, en leur donnant les moyens de réagir positivement à la différence. 

REFORM crée des espaces sûrs pour le dialogue et l’établissement de liens entre différentes zones et différents groupes en Palestine, dont les membres des communautés marginalisées et les décideurs. L’organisation vise à renforcer la cohésion et la solidarité entre les différents groupes palestiniens, en particulier ceux qui sont les plus polarisés. En associant de manière unique la sensibilisation, le renforcement des capacités, la formation et le mentorat, elle favorise la participation de tous les membres de cette société diversifiée, ce qui constitue une étape vers la paix durable et le pluralisme qu’elle envisage pour la Palestine.