Daniel Webb

L’histoire de Daniel

En mars 2014, Daniel Webb a visité le centre de détention extraterritorial de l’Australie situé sur l’île Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée. En traversant les salles bondées remplies de gardes, il a eu l’impression d’être dans une prison. Une des pièces comptait plus de 100 lits superposés placés si près les uns des autres qu’il était presque impossible de se faufiler entre ceux-ci. De plus, quelques jours auparavant, Reza Barati, 24 ans, avait été assassiné par un employé du camp durant une manifestation.

Les personnes que Daniel a rencontrées sur l’île Manus s’étaient rendues en Australie par bateau pour demander l’asile. Toutefois, avant de toucher terre, elles ont été interceptées et détenues dans des centres extraterritoriaux établis presque un an plus tôt par le premier ministre australien de l’époque, Kevin Rudd. En juillet 2013, Rudd a annoncé qu’aucun chercheur d’asile arrivé par bateau ne serait indéfiniment détenu sur l’île Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et à Nauru. Les conditions de ces centres de détention sont inhumaines et on y rapporte de nombreux cas de violence, d’agression sexuelle, de négligence médicale, de suicide, d’automutilation et plus encore.

Les personnes que Daniel a rencontrées sur l’île Manus étaient inspirantes. Il savait qu’elles pourraient grandement contribuer à la société australienne si on leur en donnait l’occasion. Il a même rencontré un homme qui parlait sept langues, dont deux qu’il avait apprises en détention. Un autre homme qui ne parlait pas un mot d’anglais lorsqu’il est arrivé au centre a maintenant écrit une autobiographie de plus de 1 000 pages en anglais. Daniel a notamment rencontré des musiciens, des joueurs de soccer, des défenseurs des droits des femmes et des commerçants. Surtout, toutes ces personnes étaient des êtres humains qui méritaient dignité et respect.

Avocat de formation, Daniel a reçu le Prix de l’Institut de droit de Victoria en 2010 pour son travail dans les domaines des droits de la personne et de la justice sociale. En 2014, il s’est joint au Human Rights Law Centre (HRLC), une organisation qui défend les droits des autochtones, les droits des LGBTI et d’autres causes liées au pluralisme. Lorsque Daniel s’est joint à HRLC, il ne s’était pas encore attaqué à l’enjeu des réfugiés. Il a donc persuadé le conseil d’administration de créer un programme pour défendre les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, un programme dont il assume maintenant la direction.

Pour s’attaquer à la question des centres de détention extraterritoriaux en Australie, Daniel a conçu une approche novatrice qui combine l’action légale, la sensibilisation dans les médias, les campagnes de sensibilisation du public et l’engagement des Nations Unies. Le travail de Daniel a contribué à tenir le gouvernement australien pour responsable de violation du droit international. Toutefois, il ne s’est pas arrêté là. Daniel a compris le besoin de changer la perception du public à l’égard des demandeurs d’asile. Les Australiens devaient comprendre que les gens détenus dans des centres extraterritoriaux n’étaient pas des menaces, mais des êtres humains ayant chacun leur propre histoire, des talents et une famille. En 2016, il a coordonné la campagne #LetThemStay, qui a touché le cœur et l’esprit des Australiens, mobilisant des enseignants, des chefs religieux, des médecins et des syndicats. Les gens ont manifesté, écrit des lettres et participé à des pétitions en ligne et à des campagnes téléphoniques. Les sondages ont démontré une hausse de 17 % en faveur de laisser les clients de Daniel rester en Australie.

Daniel et ses collègues avocats ont empêché la déportation de plus de 300 personnes, incluant 40 bébés et 50 enfants, sur les îles de Nauru et de Manus, et ont accéléré la libération de plus de 230 personnes détenues, incluant des familles avec enfants. Toutefois, plusieurs de ces personnes courent toujours le risque d’être déportées et Daniel poursuit son combat pour les protéger.

Daniel a démontré que les personnes vivant dans les centres de détention extraterritoriaux ne sont pas des menaces à la société, mais des occasions perdues pour l’Australie. Comme il l’a expliqué : « Lorsque nous les enfermons indéfiniment, non seulement les privons-nous de leurs droits les plus fondamentaux, mais nous nous privons également de tout ce qu’ils ont à offrir à nos communautés. »

Alice Wairimu Nderitu

L’histoire d’Alice

Ayant grandi dans une région rurale du Kenya, Alice Wairimu Nderitu avait l’habitude de grimper dans un grand arbre pour épier. Sous cet arbre, un groupe d’aînés se réunissait pour débattre de justice à propos d’enjeux qui concernaient la communauté. Sur sa branche, où elle les regardait atteindre un consensus, elle a décidé qu’un jour elle ferait partie des aînés qui promeuvent la paix dans sa communauté. Cependant, tous ces aînés étaient des hommes et on lui a dit que les négociations de paix n’étaient pas une affaire de femme.

Des dizaines d’années plus tard, en 2010, en tant que commissaire de la Commission nationale de cohésion et d’intégration, Alice s’est assise à la table des négociations avec 100 aînés de dix communautés ethniques qui n’avaient jamais négocié la paix entre eux. Seulement une année et demie plus tôt, en 2007-2008, la violence avait éclaté dans la vallée du Rift au Kenya après l’annonce des résultats d’une élection entachée de fraude. Cette élection avait déterré des griefs historiques concernant le territoire et des tensions ethniques profondément enracinées. Lorsque la violence postélectorale s’est apaisée, plus de 1 300 Kényans avaient été tués et 600 000 personnes avaient été déplacées. En 2010, avec un référendum constitutionnel à l’horizon, les tensions se sont accrues. La région allait-elle à nouveau être déchirée par des conflits ethniques ou allait-elle s’unir dans la paix? C’est là qu’Alice a entamé un processus de paix de 16 mois. Seule femme à la table des négociations, elle a dirigé les aînés dans un dialogue qui a débouché sur les premières élections pacifiques de la région en 20 ans.

Alice est une infatigable artisane de la paix, médiatrice de conflit et défenseure de l’égalité entre les sexes qui croit que les différences peuvent être des forces et non des faiblesses. Elle encourage une grande diversité de personnes ayant différentes identités à participer dans le processus de paix et à se sentir valorisées. Par exemple, à Jos, au Nigeria, Alice a dirigé un dialogue entre neuf communautés ethniques et a été la première à intégrer les femmes à tous les échelons du processus de paix. Au sud du Kaduna, au Nigeria, elle a agi à titre de médiatrice lors d’un conflit armé entre 29 communautés ethniques, insistant avec succès pour que les femmes et les jeunes soient inclus dans le processus. Le résultat fut la Déclaration de paix de Kafanchan, signée par deux gouverneurs d’État en 2016. C’était la première fois qu’une femme jouait ce rôle au Nigeria. Dans le sud de l’état de Plateau, au Nigeria, elle est la médiatrice en chef d’un dialogue inclusif entre 46 communautés ethniques, qui sont chacune représentées par six personnes de milieux différents.

Alice a travaillé pour promouvoir le pluralisme à toutes les étapes de la médiation et de la prévention du conflit, et ce, non seulement dans l’intérêt de ceux qui ont été exclus historiquement, mais également parce qu’elle sait que la multiplicité des voix qui se rencontrent dans un dialogue respectueux est la seule manière de garantir la paix à long terme. Pour perpétuer le respect de la diversité, elle a développé un programme d’éducation à la paix et forme d’autres femmes médiatrices.

Lorsqu’elle était une enfant qui écoutait les autres, perchée dans un arbre, Alice s’est fait dire qu’elle ne pourrait pas travailler comme artisane de la paix. Aujourd’hui, elle est une éminente médiatrice et elle négocie la paix d’un bout à l’autre de l’Afrique. Elle a prouvé à maintes reprises que les femmes peuvent absolument contribuer aux négociations de paix et qu’en fait, la paix durable requiert la participation de tous les membres de la société.

Leyner Palacios Asprilla

L’histoire de Leyner

Le Chocó est un des départements les plus précaires de la Colombie. Situé au nord-ouest du pays, il est habité principalement par des Afro-Colombiens et des Amérindiens Emberá, lesquels font partie des communautés les plus marginalisées et exclues du pays. L’isolement de la région et le manque de soutien gouvernemental expliquent les décennies de violence et d’exploitation perpétrées par la guérilla et les forces paramilitaires. Les communautés du Chocó ont vu plus de 15 000 morts en 52 ans de conflit interne en Colombie.

La municipalité de Bojayá, dans le Chocó, a subi une violence constante de la part des deux côtés. Au printemps 2002, les citoyens de Bojayá se sont retrouvés pris au milieu d’une lutte entre le groupe paramilitaire des Forces unies d’autodéfense en Colombie (AUC) et le groupe guérillero des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).

Des membres de la communauté, les Nations Unies et le bureau de l’ombudsman de la Colombie avaient prévenu le gouvernement des dangers qu’un combat représenterait pour les civils dans la zone. Le matin du 2 mai, alors que des membres de la communauté se mettaient à l’abri dans une église, l’AUC est entrée dans une école adjacente, utilisant les résidents comme bouclier humain. S’ensuivit la plus brutale attaque en 52 ans de conflit colombien. Les FARC ont bombardé l’église, tuant 79 personnes, dont 48 bébés et enfants. Un des survivants de cette attaque fut Leyner Palacios Asprilla. Lorsqu’il est sorti des décombres, il a découvert que 32 membres de sa famille avaient été tués.

Plus d’une décennie plus tard, en 2014, Leyner a cofondé le Comité des droits des victimes de Bojayá qui représente 11 000 victimes du conflit colombien. Pendant des siècles, en raison de leur pauvreté et de leur isolement, les communautés de la municipalité de Bojayá n’ont jamais pu se faire entendre. Chaque communauté agissait indépendamment, se représentant seule devant le gouvernement, les FARC ou les organisations internationales. Parce que les communautés afro-colombiennes et Emberá étaient distinctes culturellement et linguistiquement, elles se méfiaient souvent les unes des autres. Toutefois, Leyner a compris que si plusieurs voix s’élevaient ensemble, elles seraient plus fortes que si chacune d’entre elles luttait seule pour se faire entendre. Il a uni toutes les communautés dans l’objectif commun d’arrêter la violence et de se battre pour leurs droits fondamentaux. Il a organisé des assemblés avec des représentants de chaque communauté de Bojayá, incluant les plus éloignées, et a encouragé chaque communauté à intégrer une représentante féminine. Aujourd’hui, ces communautés ont créé une voix collective qui amène leurs demandes de respect des droits de la personne aux plus hautes instances gouvernementales du pays et dans le monde entier.

En raison de sa lutte pour la justice sociale, Leyner a été invité à représenter les victimes du massacre de Bojayá lors des négociations de paix entre les forces de la guérilla et le gouvernement. Pour son rôle dans ce processus, il a été mis en candidature pour le Prix Nobel de la paix de 2016. Un autre résultat fut que les FARC ont publiquement reconnu leur rôle dans la tragédie de 2002 en plus de demander pardon lors d’une cérémonie privée organisée à Bojayá.

En rassemblant les communautés dans la lutte pour la justice sociale, Leyner a compris dans quelle mesure l’union de plusieurs voix diversifiées pouvait être puissante. Aujourd’hui, il continue de demander à la Colombie d’embrasser la diversité en respectant les droits de tous ses citoyens et particulièrement des plus marginalisés.

Le Centre pour l’intégrité sociale

« Ce Prix reconnaît que le changement peut provenir de l’intérieur, et que ce qui commence comme une petite initiative locale peut devenir un mouvement fort et significatif. C’est une grande réalisation de pouvoir représenter des Rohingyas qui se battent pour la tolérance et le pluralisme de concert avec des personnes d’ethnies et de religions différentes. J’espère qu’un jour, la diversité au Myanmar ne sera pas seulement acceptée, mais célébrée. »

Aung Kyaw Moe, directeur général du Centre pour l’intégrité sociale

L’histoire du Centre

Aung Kyaw Moe rêve du jour où les habitants de son pays, le Myanmar, percevront la diversité comme une source de force plutôt qu’une source de conflit, où les inégalités seront résolues et où les groupes minoritaires seront enfin inclus de façon significative dans les sphères sociale, économique et politique.

Armé de sa vision, en 2016, Aung Kyaw Moe a réuni une équipe diversifiée pour fonder le Centre pour l’intégrité sociale (CSI). Son objectif est de bâtir, au Myanmar une société non discriminatoire et inclusive dans laquelle le pluralisme est valorisé. Le CSI travaille avec des jeunes de régions touchées par le conflit en développant leurs compétences et en leur offrant les occasions nécessaires pour bâtir une société pacifique et pluraliste.

Pour créer un avenir sans conflits, le CSI cultive une génération de jeunes leaders tournés vers le pluralisme. Le CSI offre aux jeunes des formations sur la sensibilité au conflit, la cohésion sociale et la consolidation de la paix. Seul projet en son genre au Myanmar, il s’agit souvent de la première occasion qu’ont les jeunes d’interagir avec des personnes de religion ou de groupe ethnique différents des leurs. Déjà, ces jeunes leaders sont devenus de puissants agents de changement dans leur communauté, où ils aplanissent des tensions, font de la médiation de conflit et répandent un message de respect de la diversité.

L’organisme a été fondé par Aung Kyaw Moe – un professionnel humanitaire Rohingya. Les employés et les parties prenantes du CSI proviennent tous des mêmes régions que les jeunes participants. Ce leadership hautement localisé permet au personnel du CSI d’avoir une compréhension profonde des conflits entre différentes communautés et un accès aux communautés auxquelles d’autres organisations de consolidation de la paix et ONG internationales ne peuvent accéder. Cela leur permet de travailler avec des personnes qui pourraient autrement hésiter à se faire aborder.

Cette position unique a été particulièrement cruciale en 2017, quand le déclenchement d’un conflit a forcé près de 700 000 Rohingyas à fuir leur foyer dans le nord de l’État de Rakhine, au Myanmar, pour se réfugier au Bangladesh. Le CSI a fait partie des rares organisations ayant un accès aux communautés touchées par le conflit et possédant une profonde compréhension de la longue agitation sociale. Dans le passé, diverses ONG et agences de l’ONU ont été accusées de partialité dans l’offre de leur aide humanitaire, ce qui a exacerbé les tensions dans la région. Le CSI a offert une aide humanitaire tout à fait impartiale. Malgré le caractère délicat de cette entreprise, l’organisme a offert de l’aide à quiconque en avait besoin, quelle que soit son ethnie ou sa religion. En seulement trois mois, le CSI a pu atteindre 80 000 personnes. En répondant aux besoins humains sans préjugé, le CSI a démontré que sa compassion n’a aucune limite et que son respect pour la dignité humaine transcende toute division.

Aung Kyaw Moe comprend que pour assurer une paix durable au Myanmar, les attitudes à l’égard de la diversité doivent changer. Le CSI rend cela possible en habilitant les jeunes leaders de diverses communautés à entrer en dialogue et à devenir des agents de changement dans leur communauté. Cette nouvelle génération de penseurs pluralistes peut aider à créer une société qui est non seulement sans danger, mais qui est également vibrante et cohésive, et ce, non pas malgré sa diversité, mais grâce à elle.

Avec plus de 135 groupes ethniques, 110 langues et un vaste éventail de religions, le Myanmar est un pays incroyablement diversifié. Colonie britannique pendant plus de 100 ans, le pays a déclaré son indépendance en 1948, mais a été dirigé par une série de gouvernements militaires jusqu’en 2011. La transition du pays vers la démocratie a été marquée par des troubles sociaux généralisés ainsi que par des persécutions ethniques et religieuses. La discrimination historique à laquelle sont confrontés les groupes minoritaires a entraîné des griefs et enfin, de la violence sectaire. Ces troubles sont considérés comme étant la plus longue guerre civile au monde.

Les Rohingyas, une minorité musulmane apatride au sein d’un pays largement bouddhiste, font partie des groupes persécutés au Myanmar. Le gouvernement du pays leur refuse la citoyenneté, déclarant qu’ils sont des immigrants illégaux venant du Bangladesh, même si plusieurs d’entre eux sont là depuis des générations. Le Bangladesh nie également qu’ils sont ses citoyens. Les déplacements et l’accès à l’emploi des Rohingyas sont extrêmement limités. Ils ont été victimes d’atrocités de masse aux mains des militaires et ont été forcés de s’enfuir.

Deborah Ahenkorah

« Je me sens extrêmement choyée de recevoir ce Prix. Après une décennie à faire valoir l’importance de la littérature africaine pour enfants, cet honneur souligne à quel point nous nous rapprochons de notre objectif de mettre la littérature africaine pour enfants sur le piédestal mondial, comme elle le mérite. Il me tarde de voir le jour où nous pourrons entrer dans une librairie, où que ce soit dans le monde, et trouver d’extraordinaires histoires africaines accessibles à tous. »

Deborah Ahenkorah

L’histoire de Deborah

Deborah Ahenkorah comprend le pouvoir des livres. Enfant, elle a passé des jours entiers à éplucher les pages de livres qu’elle trouvait dans les boutiques et les bibliothèques locales. Inspirée par ces histoires, elle s’est imaginé fonder son propre empire de gardiennage, comme celui des filles du Club des Baby-Sitterset elle rêvait d’un Temps des Fêtes hivernal. Mais Deborah n’avait jamais vu de neige. Et le gardiennage n’était pas quelque chose que les jeunes filles faisaient dans sa communauté. Ayant grandi au Ghana, les livres que Deborah lisait étaient importés et remplis de personnages étrangers ayant des noms et des problèmes qui ne lui étaient pas familiers.

Deborah a grandi en croyant que sa culture et ses histoires n’étaient pas importantes. Lorsqu’elle pensait à son avenir, elle ne l’imaginait pas au Ghana. Elle voulait son propre appartement à River Heights, aux États-Unis, le foyer de son héroïne d’enfance, Nancy Drew. Deborah visualisait un avenir éloigné de sa culture, de son histoire et de son pays natal.

Des années plus tard, alors qu’elle étudiait aux États-Unis, Deborah a voulu s’assurer que d’autres enfants africains puissent, comme elle avait pu, avoir accès à des livres. Elle a démarré une organisation recueillant des dons de livres qu’elle envoyait à différents pays africains. Un jour où elle préparait des boîtes, elle est tombée sur un livre illustrant une petite fille africaine. Elle s’est alors rendu compte que parmi les milliers de livres que son organisation avait envoyés à de nombreux pays africains, c’était le premier qui reflétait les réalités des personnes qui allaient le recevoir.

Entrepreneure sociale et éditrice de livres pour enfants, Deborah a créé Golden Baobab en 2008 pour permettre aux auteurs et aux illustrateurs africains de raconter des histoires pour enfants. À travers les livres de Golden Baobab, les enfants sont exposés à des personnages de différents pays et de différentes cultures, langues, religions et ethnies. Cela amène les enfants à développer une perception positive de la différence et à acquérir la pensée critique nécessaire pour changer les stéréotypes et les préjugés.

Cette organisation littéraire à but non lucratif remet également le seul prix au monde qui inspire et célèbre les auteurs et les illustrateurs africains, le Prix Golden Baobab. Maintenant dans sa 11e année, le Prix a reçu la candidature de plus de 2 000 nouvelles histoires et illustrations pour enfants africains et a offert du soutien financier ainsi que des possibilités de publication en plus de travailler pour créer des liens entre les éditeurs du monde entier et les histoires d’enfants africains.

Pour aider à partager les histoires de ces auteurs avec de plus en plus de lecteurs, Deborah a créé l’African Bureau Stories, une maison d’édition de livres pour enfants et une entreprise sociale qui publie des histoires de différentes cultures et ethnies à travers l’Afrique. Ces histoires reflètent le vaste éventail d’expériences africaines.

Deborah s’est employée à assurer une représentation égale dans les livres d’enfants. En cours de route, elle a profondément enrichi la littérature pour enfants en y apportant de nouvelles voix et perspectives. Par son travail, Deborah montre aux enfants que le monde est un endroit plus fort et plus intéressant lorsque nous chérissons et valorisons diverses cultures et histoires.

La littérature influence la façon dont les enfants voient le monde et s’y inscrivent. S’ils sont absents des histoires qu’ils affectionnent, ils pourraient commencer à croire que leur culture et leur voix ne comptent pas. Deborah veut donner à tous les enfants l’occasion de se reconnaître dans les livres qu’ils lisent. Elle espère s’assurer que les jeunes lecteurs de partout aient accès à des livres qui représentent fidèlement l’Afrique et qui sont créés par des Africains.

La recherche démontre qu’un fort sentiment d’appartenance et d’inclusion améliore la santé mentale et le bien-être des enfants, ce qui, en retour, augmente leur acceptation des besoins des autres et leur sensibilité à cet égard. Deborah croit que lorsque les enfants africains se voient représentés dans les arts et la littérature, ils développent une meilleure appréciation de leur propre culture, ce qui les rend plus ouverts à entrer en contact avec la diversité des gens qui les entourent.

The “Learning History that is not yet History” Team

« C’est très important pour notre équipe de recevoir une reconnaissance internationale pour le travail qu’elle fait depuis plus de 16 ans avec un appui minimal. Pour les enseignants, il est très difficile de composer, en classe, avec le caractère délicat de l’histoire des guerres yougoslaves des années 1990. Nous sommes personnellement liés à sujet et plusieurs d’entre nous, y compris des membres de cette équipe, ne l’ont pas abordé pendant des décennies. Il est maintenant temps de parler du passé de façon responsable et d’enseigner les conflits de 1990 afin de bâtir un avenir empreint de compréhension mutuelle, de paix et de réconciliation. »

Bojana Dujkovic, représentante de l’équipe « Apprendre l’histoire qui ne fait pas encore partie de l’histoire »

L’histoire de l’équipe

Un groupe d’étudiants s’approche d’une photo représentant un soldat bosniaque durant les conflits de 1990. Un autre groupe étudie une photo de personnes qui marchent dans les rues jonchées de décombres à Vukovar, en Croatie, en 1991. On leur demande : « Que voyez-vous? Comment vous sentez-vous devant cette photo? Selon vous, qu’est-ce que le photographe essaie de vous montrer? » Parler d’une photo peut sembler être un exercice d’apprentissage simple, mais dans les pays de l’ex-Yougoslavie, il s’agit d’un exercice fort complexe.

Dans les écoles, les guerres sont soit ignorées, soit enseignées de façon simpliste et unidimensionnelle, ce qui empêche les apprenants d’éprouver de la compassion envers autrui ou d’autres groupes ethniques. Un groupe de spécialistes de l’histoire et de l’éducation provenant d’un bout à l’autre des Balkans occidentaux veulent changer cela. En 2003, ils ont formé un réseau régional unique qui depuis, s’est agrandi pour inclure des membres de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, du Monténégro, de la Serbie, de la Macédoine, du Kosovo et de la Slovénie. Les enseignants viennent de différents contextes culturels, ethniques, professionnels et religieux. Ayant fait l’expérience des conflits de 1990 dans leur pays, ils ont écarté leurs préjugés personnels pour se réunir et promouvoir un enseignement responsable du passé.

Reconnaissant le danger que les récits simplistes et nationalistes représentent pour la paix sociale, ces spécialistes ont décidé de proposer une approche alternative. Ils croient que les enseignants et les étudiants doivent entrer en contact avec de multiples perspectives sur les guerres et se faire encourager à exercer leur esprit critique et leur empathie face à l’histoire.

En 2016, le réseau d’historiens et d’enseignants de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, du Monténégro et de la Serbie s’est associé à l’Association européenne des enseignants d’histoire (EUROCLIO) et a lancé un projet qui a ensuite donné un nom à l’équipe : « Apprendre l’histoire qui ne fait pas encore partie de l’histoire » (LHH).

Conscient que les enseignants se sentent souvent mal outillés et non soutenus pour enseigner ces sujets délicats d’un point de vue allant à l’encontre d’un récit dominant et ethnocentrique, l’équipe LHH a créé une base de données de ressources gratuites. Ces livres, articles, vidéos et photos soutiennent et motivent les enseignants à enseigner les guerres de 1990 selon de multiples points de vue sans victimiser ou blâmer les autres. Au lieu de présenter une interprétation précise des événements, l’équipe LHH se concentre sur la vie quotidienne des personnes impliquées dans les conflits pour favoriser le sentiment d’une expérience commune.

Avec le partenariat et la collaboration des membres de l’équipe LHH, pour la première fois, des enseignants d’histoire en provenance de pays frappés par les guerres de 1990 ont révisé les ressources pédagogiques accessibles sur le sujet. Les résultats de leur projet – une base de données, du matériel pédagogique et des séances de formation pour enseignants – sont la seule approche objective proposée pour apprendre et enseigner l’histoire des récentes guerres.

L’équipe LHH donne aux étudiants et aux enseignants les outils pour lutter contre le type de division et d’étroitesse d’esprit qui pourraient entraîner de nouveaux conflits. En stimulant les discussions, la réflexion et la reconnaissance d’une expérience commune, l’équipe LHH utilise l’histoire en tant qu’outil puissant pour établir un pays durable dans sa région.

Les conflits qui se sont déroulés dans l’ex-Yougoslavie dans les années 1990 continuent d’avoir un profond impact sur la vie des gens. Les relations entre différents pays et groupes ethniques sont délicates et les guerres demeurent un sujet controversé. Les différents pays des Balkans occidentaux se souviennent des années 1990 de façons divergentes et souvent contradictoires. Les efforts pour faire face au passé ont été très lents et unilatéraux. Les guerres n’étaient pas enseignées dans les écoles jusqu’à récemment. Certaines interprétations de l’histoire sont promues par les élites politiques comme étant le récit « officiel », lequel est ensuite utilisé pour redéfinir les identités ethniques et politiques de manière à marginaliser et à exclure certains groupes tout en amplifiant le nationalisme. Ce récit se perpétue dans le système d’éducation.

Namati Kenya

« Faire partie des lauréats du Prix mondial du pluralisme pour ce travail est un véritable honneur. Cela témoigne de l’idée selon laquelle tout le monde, même ceux depuis longtemps en marge, peut être agent de changement et participer à la création d’une société pluraliste. »

Mustafa Mahmoud, Namati Kenya

L’histoire de Namati Kenya

Botul, mère de quatre enfants et membre de la communauté nubienne du Kenya, s’est fait dire que ses enfants ne pourraient plus aller à l’école parce qu’ils n’avaient pas de certificat de naissance. Toutefois, elle ne pouvait pas en faire la demande avant d’avoir reçu une carte d’identité. Au Kenya, la carte d’identité nationale est requise pour voter, se déplacer librement et accéder à des services de base comme les soins de santé, l’éducation et l’emploi. Malheureusement, obtenir une carte d’identité n’est pas facile pour une personne comme Botul. Faisant partie d’une des communautés kényanes à majorité musulmane, elle se retrouve parmi les cinq millions de Kényans qui sont victimes d’un processus de filtrage discriminatoire lorsqu’ils tentent d’obtenir des documents d’identité juridiques de base. Bien que la majorité des Kényans obtiennent une carte d’identité en quelques semaines, plusieurs individus issus des groupes ethniques minoritaires à majorité musulmane doivent attendre des mois ou des années avant de recevoir leurs documents, et parfois ne les reçoivent jamais.

Botul a fini par trouver les conseils dont elle avait besoin auprès de Zena, une parajuriste communautaire formée par Namati Kenya. Zena a aidé Botul à comprendre ses droits et l’a soutenue à chaque étape du processus de demande du document d’identité. Botul a pu obtenir sa carte d’identité, après quoi elle a immédiatement demandé les certificats de naissance de ses enfants. Maintenant, pendant que ses enfants vont à l’école, Botul partage ses nouvelles connaissances avec sa communauté.

Par son programme de justice citoyenne, Namati Kenya forme et déploie des parajuristes communautaires afin de soutenir les citoyens marginalisés et les aider à comprendre et utiliser la loi pour ultimement pouvoir la façonner. Depuis 2013, les parajuristes de Namati Kenya ont aidé plus de 12 000 Kényans à présenter une demande de documents juridiques. Avec les données recueillies d’après ces cas, l’organisation suit les tendances discriminatoires dans le pays et plaide en faveur d’un changement systémique. Namati Kenya fait également de la sensibilisation juridique par le biais de mobilisations populaires, du porte-à-porte, des forums communautaires et une émission de radio sur les droits des communautés. Actuellement, Namati Kenya mène les efforts de plaidoyer visant à apporter des modifications à Huduma Namba, un nouveau système national d’identification basé sur la biométrie, afin de s’assurer qu’aucun Kényan n’en soit exclu.

Travaillant avec une coalition de partenaires, Namati Kenya réunit des communautés diversifiées pour reconnaître leurs défis communs et pour initier un dialogue national sur « qui est Kényan » et ce que l’appartenance signifie. La création de tels liens entre diverses communautés est une étape essentielle à l’établissement d’une société inclusive et pluraliste. Par leur travail sur la justice citoyenne, Namati Kenya transforme la loi en la faisant passer d’un système abstrait au service d’une minorité, à un outil pratique et puissant que tous les citoyens du Kenya, dans toute leur diversité, peuvent utiliser pour améliorer leur vie et établir une société qui respecte les droits et la dignité de tous ses membres.

Le Kenya, qui abrite près de 50 millions de personnes, possède une population extrêmement diversifiée composée de plus de 40 groupes ethniques représentant quatre grands groupes linguistiques. Le pays est également diversifié du point de vue religieux, avec une majorité chrétienne, une importante minorité musulmane et des communautés adhérant à l’hindouisme, au sikhisme et à des religions autochtones. Après des élections contestées en 2008, la violence a éclaté entre groupes ethniques. Après des mois de conflit, une nouvelle Constitution a été rédigée pour reconnaître la nature pluraliste de la société kényane. Malgré cela, plusieurs groupes minoritaires, particulièrement les communautés à majorité musulmane, sont considérés comme des étrangers et ont de la difficulté à se faire reconnaître comme citoyens à part entière.

Puja Kapai

« En récompensant mon travail visant à faire avancer la justice sociale en matière de race, de genre et de droits des minorités, ce prix rend visibles les réalités vécues de tous ceux qui sont régulièrement marginalisés et qui subissent l’exclusion et la discrimination systémique »

Puja Kapai

L’histoire de Puja

Ayant grandi au sein d’un groupe ethnique minoritaire dans la société racialement homogène de Hong Kong, Puja Kapai s’est heurtée à des obstacles à l’éducation dès son jeune âge. À l’époque, la ségrégation raciale dans les écoles était encore une pratique courante. Puja s’est donc inscrite à une école publique accueillant une forte concentration d’élèves issus de minorités ethniques. Cette école deviendrait un des quelques établissements désignés acceptant des enfants minoritaires. Alors que ses camarades chinois assistaient à des cours de cantonais, une langue qui leur permettrait d’obtenir de meilleurs emplois parmi la population active de Hong Kong, Puja devait se rendre dans la classe de musique pour effectuer des périodes d’étude autodidacte en compagnie d’autres enfants issus de minorités ethniques.

Malgré ce départ inégal, Puja a fini par devenir une chercheuse largement publiée, avocate, enseignante et défenseuse de la justice sociale. Elle a adopté une approche unique combinant la recherche empirique approfondie, la mobilisation populaire et le plaidoyer pour instaurer des changements durables à Hong Kong. Son rapport exhaustif sur le statut des minorités ethniques à Hong Kong réunit des données complètes pour présenter, pour la toute première fois, comment la nature systémique de la discrimination raciale s’inscrit dans plusieurs domaines, dont l’éducation, l’emploi et le logement. Le travail de Puja démontre l’importance d’aborder les facteurs étroitement liés tels que le genre, la race, l’âge et le statut d’immigration qui, en retour, soulignent le besoin d’une approche intersectionnelle à la compréhension des causes des inégalités à Hong Kong.

Le plus important travail de Puja est son illustration minutieuse de l’impact négatif des écoles ségréguées sur la vie des individus issus des minorités ethniques de Hong Kong, notamment la perte de possibilité et la privation dans de nombreux domaines. Elle a présenté cette recherche au gouvernement de Hong Kong et à trois organismes s’occupant des traités des Nations Unies (ONU) révisant les obligations de Hong Kong en matière de discrimination raciale, de droits des enfants et de droits de la personne. En 2014, en réponse directe à la recherche et au plaidoyer de Puja, et en collaboration avec des organisations locales non gouvernementales dirigeant les travaux sur ces questions, Hong Kong a aboli la politique officielle désignant des écoles séparées pour les enfants issus de minorités ethniques, et le gouvernement a introduit un cadre pédagogique d’apprentissage d’une langue seconde dans le programme de langues chinoises des écoles publiques.

Ce n’est qu’un exemple du formidable impact de Puja sur sa société. Son travail se penche sur les enjeux de l’éducation, de la violence familiale, des droits des enfants, de la violence fondée sur le genre, de la discrimination fondée sur la race, le genre, la religion et l’orientation sexuelle et des préjugés inconscients. En outre, son travail a aidé des législateurs, ministères gouvernementaux et organismes de la société civile à élaborer des lois et des politiques en utilisant une approche intersectionnelle dans un vaste éventail de secteurs pour garantir une protection égale pour tous. Elle a revendiqué avec succès la révision de procédures gouvernementales pour traiter des cas de violence faite aux enfants, de maltraitance des enfants, et de violence familiale et sexuelle impliquant des minorités ethniques ainsi que l’amélioration de programmes de formation pour les policiers traitant les dossiers impliquant des minorités ethniques. Sa recherche et ses activités de plaidoyer ont entraîné la création par le gouvernement de mesures ciblées visant à soutenir les minorités ethniques.

Ayant elle-même subi les effets négatifs de l’exclusion et des préjugés, Puja travaille sans relâche pour faire avancer l’égalité des droits pour tous les habitants de Hong Kong. Qu’elle s’adonne à la recherche, au plaidoyer ou à la mobilisation, ou qu’elle enseigne à ses étudiants comment reconnaître et aborder les enjeux de justice sociale qui les entourent, Puja est motivée par la conviction profonde que tous les Hongkongais méritent le même respect et les mêmes possibilités, et que les lois et politiques de sa ville seront renforcées par leur inclusion et la reconnaissance de leur dignité égale.

Même si Hong Kong a la réputation mondiale d’être une plaque tournante internationale, la ville est homogène du point de vue racial. Les Chinois composent environ 92 pour cent de la population. Les minorités ethniques représentent 8 pour cent de la population de Hong Kong. Parmi celles-ci, 4,2 pour cent sont des travailleurs domestiques étrangers qui doivent respecter des modalités de travail temporaire dans le cadre d’un régime d’emploi spécifique. Enfin, 3,8 pour cent sont des résidents à long terme faisant partie des minorités ethniques. Ce groupe de minorités ethniques a des possibilités limitées et est victime de préjugés et de discrimination systémiques dans plusieurs domaines, dont l’éducation, l’emploi, le logement et les soins de santé. Les barrières linguistiques exacerbent les défis structurels des minorités. Sans éducation, en cantonais ou en mandarin, les minorités ethniques sont plus susceptibles d’occuper des postes moins bien rémunérés. La pauvreté et l’accès inégal aux services sociaux essentiels affectent ces communautés de façon disproportionnée.

Hand in Hand: Centre pour l’éducation juive-arabe en Israël

« Avec chaque nouvel élève, école, communauté et partenaire, nous envoyons un message de changement qui participe à la création des fondements solides d’une société égale et pluraliste pour les Juifs et les Arabes à laquelle tout le monde a le sentiment d’appartenir pleinement. »

Dani Elazar, CEO Hand in Hand: Center for Jewish-Arab Education in Israel

L’histoire de Hand in Hand

À l’école Max Rayne Hand in Hand de Jérusalem, les coenseignants Sirin et Chaim accueillent leurs élèves de deuxième année après les vacances d’été. Sirin et Chaim demandent à la moitié de la classe de se tenir par la main et d’encercler l’autre moitié de la classe pendant que la musique joue. Quand la musique s’arrête, les élèves se font face. Sirin, en arabe, dit alors : « Demandez à votre ami pourquoi il est heureux de recommencer l’école ». Les élèves s’exécutent, puis la musique recommence. Au prochain silence, Chaim demande aux élèves, en hébreu : « Quelle est la chose la plus amusante que vous avez faite pendant vos vacances? ». Pendant l’année scolaire, ces élèves arabes et juifs étudieront ensemble en hébreux et en arabe, et apprendront la langue, l’histoire et l’héritage des deux groupes. Ils célébreront les récits, chansons, symboles et traditions des musulmans et des juifs ainsi que les fêtes chrétiennes. Ils apprendront, comme ils le font dans cette activité en cercle, à s’écouter les uns les autres, à se faire confiance et à rire ensemble.

Cette ambiance dynamique et multiculturelle est caractéristique des écoles Hand in Hand, mais se trouve difficilement en dehors de celles-ci. Le système d’éducation israélien est divisé selon des clivages ethniques et religieux. Souvent, les individus de différentes communautés ne se rencontrent pas les uns les autres avant d’être de jeunes adultes, et à ce moment, plusieurs d’entre eux sont pris dans un des deux côtés d’un conflit complexe et violent qui dure depuis des générations.

En 1998, Hand in Hand a proposé une option transformatrice et différente à cette réalité divisée en mettant sur pied les premières classes intégrées et bilingues d’élèves juifs et arabes. Reconnues par le ministère de l’Éducation israélien, ces écoles publiques primées accueillent maintenant plus de 2 000 élèves juifs et arabes de la prématernelle à la douzième année dans diverses villes du pays. Les équipes de coenseignants juifs et arabes utilisent des méthodes innovantes pour enrichir le sentiment identitaire des élèves tout en favorisant le respect de leurs pairs. L’égalité, l’empathie, la responsabilité et le respect sont les piliers de la pédagogie des écoles Hand in Hand. Les élèves apprennent à faire preuve de pensée critique, à parvenir à un désaccord respectueux et à aborder l’histoire selon plusieurs perspectives.

Au fil des ans, le modèle de Hand in Hand est passé d’un réseau d’écoles à un modèle de vie et d’apprentissage communs en trois volets, qui comprend les écoles intégrées, les communautés inclusives et davantage de partenariats publics. Le personnel, les parents, les élèves et les anciens élèves de Hand in Hand font partie d’un mouvement national animé par des valeurs partagées et par le choix de créer un changement positif qui s’étend bien au-delà de l’enceinte des écoles. Les programmes communautaires de Hand in Hand mobilisent des milliers de personnes pour bâtir une société fièrement partagée d’inclusion, d’égalité et de respect, et ce, par le dialogue et des programmes linguistiques, des célébrations et événements culturels, des conférences et ateliers, la participation civique et l’activisme, des séminaires sur le leadership et des conférences nationales. En collaborant avec les municipalités et le ministère de l’Éducation, le travail de Hand in Hand influence de plus en plus le système d’éducation national de l’intérieur.

Chaque jour, dans les écoles et communautés Hand in Hand de partout au pays, des milliers d’enfants et d’adultes apprennent non seulement à se tolérer les uns les autres, mais à se respecter, à s’accepter et à apprendre les uns des autres. Ils découvrent que la diversité n’est pas une menace, mais qu’elle est plutôt une expérience enrichissante et une grande occasion de grandir en tant qu’individus et en tant que société.

La méfiance et la peur entre les communautés arabes et juives en Israël sont profondément ancrées, découlant non seulement du conflit israélo-palestinien, mais également de la division spatiale des communautés juives et arabes, notamment dans la séparation du système d’éducation public en deux branches qui fonctionnent en vase clos en fonction de clivages ethniques et religieux. Ceci contribue grandement à la division entre les deux groupes. La majorité des élèves juifs en Israël sont peu ou pas du tout exposés à la culture arabe dans un contexte scolaire, les deux communautés n’ayant pas l’occasion d’établir les relations et partenariats intercommunaux qui sont essentiels à la création de sociétés plus pluralistes.

REFORM

« Depuis ses débuts, REFORM se consacre à la promotion de la diversité et à l’acceptation des différences comme une ressource précieuse pour la diversité sociale et culturelle, qui à son tour favorise la solidarité entre les différentes composantes de la société palestinienne. Nous luttons activement contre les stéréotypes et la stigmatisation sur tous les fronts. Ce prix témoigne que nous sommes engagés sur la bonne voie et nous espérons qu’il s’agira d’une réussite internationale pour la Palestine. Il nous incite à poursuivre nos courageux efforts contre l’exclusion, l’asymétrie de pouvoir et la marginalisation. Il nous aidera à mieux nous faire entendre pour réclamer le rétablissement de la démocratie en Palestine »

Oday Karsh, directeur général de REFORM

L’histoire de REFORM

Dans un café de la ville palestinienne de Ramallah, de jeunes hommes et femmes sont assis en petits groupes et discutent de passages de L’Alchimiste de Paulo Coelho. Ils sont venus de différentes communautés et de différents milieux de Palestine pour participer à ce café culturel organisé par REFORM : l’Association palestinienne pour l’autonomisation et le développement local. Avec l’aide d’un animateur, ils discutent du lien entre le livre et les questions d’appartenance. Ensuite, ils se lèvent pour participer à un jeu de rôle inspiré du livre, dans lequel chaque personne joue le rôle d’une autre. Ces jeunes vivent dans le camp de réfugiés voisin, dans les zones C (zones de la Cisjordanie contrôlées par Israël), dans la ville de Ramallah ou dans les villages environnants. Les rencontres entre eux sont extrêmement importantes en raison du manque d’espace civique et du contexte tendu en Palestine.  

Les déplacements étant fortement limités en raison de l’occupation israélienne, les processus démocratiques et les espaces civiques font défaut; il existe des clivages politiques, une violence permanente et une incertitude économique. La Palestine est très instable et fragmentée par la stigmatisation et l’exclusion sociale. La jeunesse palestinienne est de plus en plus confrontée à des difficultés qui entravent sa participation aux sphères sociales et politiques. De nombreuses femmes sont également marginalisées dans la vie civique et économique, tandis que les taux de violence fondée sur le genre augmentent.  

Fondée en 2012 par un groupe de jeunes militants, REFORM est une organisation non gouvernementale palestinienne qui s’efforce de donner aux groupes marginalisés et aux communautés difficiles à atteindre les moyens de participer à la vie sociale et d’influer sur la prise de décision. Pour répondre aux besoins complexes de leur société, l’organisation a développé un large éventail d’initiatives, allant de son projet Accès au-delà des frontières, qui renforce la participation sociale et politique des jeunes et des femmes stigmatisés issus des camps de réfugiés, des zones C et des communautés difficiles à atteindre, à son Programme de gouvernance et de politique publique, qui réforme le processus d’élaboration des politiques publiques pour le rendre plus inclusif. D’autres projets renforcent la participation des femmes à la société par le biais de possibilités économiques et d’actions de plaidoyer. REFORM forme également les jeunes et leur fournit les outils nécessaires pour transformer les conflits entre groupes et les partis politiques, en leur donnant les moyens de réagir positivement à la différence. 

REFORM crée des espaces sûrs pour le dialogue et l’établissement de liens entre différentes zones et différents groupes en Palestine, dont les membres des communautés marginalisées et les décideurs. L’organisation vise à renforcer la cohésion et la solidarité entre les différents groupes palestiniens, en particulier ceux qui sont les plus polarisés. En associant de manière unique la sensibilisation, le renforcement des capacités, la formation et le mentorat, elle favorise la participation de tous les membres de cette société diversifiée, ce qui constitue une étape vers la paix durable et le pluralisme qu’elle envisage pour la Palestine.